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L'argent n'a pas d'odeur

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Message par Contre-amiral Smoker Lun 12 Mai - 1:36

Nouveau Monde – Emporio Zaantria – Zone d’influence libre.

Le temps était chaud sur Zaantria. Cette immense île perdue dans une des zones les plus dangereuses du monde avait au moins cette qualité qu’il n’y faisait jamais froid, mais elle était largement compensée par le défaut qu’on y étouffait aisément.
La Zantrie impériale des anciens temps avait en partie été désertée à cause de cette moiteur dans l’air, de ces moustiques variés qui pouvaient être microscopiques ou gros comme des chiens de prairies, mais elle restait un joyau d’une beauté rare, une perle de verdure au milieu d’un océan trop souvent ravagé.

Au milieu d’une clairière dans la jungle luxuriante, un homme de poids avait planté sa tente. Certes, d’autres étaient passés là avant lui qui étaient probablement plus puissants, tous ces monstres invincibles en quête de l’exploration finale, mais lui-même n’avait pas à rougir de sa personne.
Alphonse Grimm était tranquillement assis dans une chaise confortable.
Sa tente était extravagante. Le vieil homme se tenait sur un tapis persan de grande qualité et au milieu d’un fourbi gigantesque d’objets rares et inestimables de toutes les époques et zones différentes. Autour de lui se côtoyaient les portraits des tyrans et les boucliers des héros.
Il sirotait une tasse de thé froid, et soupirait d’aise tandis que son ami Eli Eli secouait tranquillement un gigantesque éventail aux couleurs miroitantes pour brasser de l’air frais dans sa direction.

-Tu vas t’échauffer le sang à bouger comme ça, mon petit Eli, va donc t’asseoir ! Lança-t-il à l’aide de camp d’un ton guilleret.

-Non merci monsieur Alphonse, je préfère rester debout.

Le joyeux vieil homme n’insista pas et reprit son breuvage en murmurant « Soit, soit ». Il était venu jusqu’ici à grand frais pour chercher quelque chose de très précis, quelque chose d’encore plus inestimable qu’une grande partie de ce qu’il avait entassé. Non pas qu’il vendrait son objet plus cher, mais il était parfois possible dans la récupération de produit de vivre des expériences qui dépassaient de loin la valeur marchande de l’objet, voilà pourquoi le contrebandier « Boum » chantonnait d’allégresse.
Il se leva d’un coup et alla se camper devant un sarcophage posé droit sur ses pieds. Le cercueil doré et décoré d’une myriade de symboles - indéchiffrables pour la plupart mais qui affectaient l’apparence de créatures aussi nombreuses qu’exotique - était plus grand que lui, quoique moins grand qu’Eli Eli. L’homme à la peau sombre avait suivi son employeur avec son éventail et se tenait juste à côté de lui.

-Magnifique, n’est-ce pas ? Monsieur Escargot me l’a fait envoyer il y a quelques jours. Le vieil homme s’adressait plus au vide qu’à Eli Eli, qui connaissait déjà toutes ces informations, mais c’était une des habitudes de monsieur Grimm. Des explorateurs l’ont trouvé dans une gigantesque nécropole. Impressionnant, à ce qu’il paraît. Tout un empire, toute une civilisation, tout un peuple évaporé en l’espace de quelques années. Ce ne sera pas forcément le pinacle des momies à vendre cette année – là-bas, tu sais – mais c’est quand même une belle prise. Dieu seul sait quelle histoire renferme ce sarcophage.

Il allait se détourner vers une autre antiquité pour s’en remémorer les détails quand un explorateur à sa solde arriva en courant, hors d’haleine et en se tapant la nuque pour tuer quelque insecte qui essayait de le piquer.

-Nous l’avons monsieur ! Nous l’avons !

L’œil d’Alphonse Grimm pétilla, et il commença à courir très lestement pour un homme de son âge, dépassant même le jeune homme sur la route de terre qui menait jusqu’à l’excavation qu’il avait déjà visité plusieurs fois.
Il serpenta pendant quelques minutes dans l’épaisse forêt tropicale, ignorant la ronde des volatiles colorés qui jouaient leur danse de séduction dans les ombrages de la canopée. Les feuilles des fougères gigantesques bruissaient à son contact. Le jeune homme peinait à suivre le rythme, et il avait déjà été aisément dépassé par le monstre physique qu’était Eli Eli et qui ne laissait jamais son « père » s’éloigner de lui à plus de quelques mètres dans des environnements dangereux comme celui-ci.

Ils y arrivèrent finalement. Devant eux, la forêt laissa la place à un grand gouffre creusé dans le sable et la roche. De nombreux ouvriers allaient et venaient en transportant différents sacs de gravats ou outils de forage. Au cœur du trou béant ouvert dans l’île, on pouvait apercevoir une arche ouvragée dans une roche noire brillante, et conservée intacte sous terre pendant un très grand nombre d’années.
Alphonse Grimm s’arrêta pour s’imprégner de cette image. La majesté de cette porte scellée contrastait avec la saleté du chantier qui avait servi à la découvrir, et pourtant ces deux visions se mariaient parfaitement l’une à l’autre.
L’excavateur le rattrapa enfin, il peinait à reprendre son souffle.

-La chambre intérieure a été conservée parfaitement scellée pendant tout ce temps monsieur, rien n’aura bougé d’un iota.

-Parfait, parfait.

-Mais ça veut dire que nous ne pourrons rester dedans que quelques instants, après ça, il faudra refermer, ou regarder toutes nos découvertes tomber en poussière sous nos yeux.

Les yeux d’Alphonse Grimm étaient très sérieux quand il les rencontra, ils n’étaient plus ceux du petit vieillard jovial qui chantonnait de plaisir, mais ceux de l’homme d’affaire aguerri qui avait amassé des richesses à faire pâlir d’envie certains rois. Il opina du chef pour montrer qu’il avait saisi la pleine mesure des paroles de l’expert. Le vieil homme se remit à marcher en disant qu’il avait bien compris, et qu’il suivrait les instructions.

Leur petit groupe de trois hommes, accompagnés d’une dizaine d’autre, se posta devant l’important battant de pierre de cette arche. Elle dépassait les vingt mètres de haut, mais elle n’était après tout pas faite pour des humains comme eux.
Sur un signe du menton de Boum, de très petites détonations descellèrent momentanément la porte, ouvrant un fin passage à peine suffisant pour laisser entrer deux hommes de front. Le changement de pression dans la pièce à l’ouverture créa un violent courant d’air, et sur le cri du maître-excavateur, ils entrèrent dans la pièce. Quatre hommes disposèrent de forts projecteurs lumineux pour révéler l’intérieur à tous, pendant que trois autres prenaient des photos, et que deux personnes choisissaient au peigne fin un ou deux objets susceptibles de résister à une sortie à l’air libre. Tout se déroulait très vite et sous la surveillance du coordinateur qui ne bougeait pas de l’entrée et distribuait les rôles.
Eli Eli et Alphonse Grimm quant-à eux avaient tout de suite marché vers le fond de la salle, l’endroit clé. Les richesses entreposées sur les côtés n’étaient que des cadeaux au mort, et quel mort. Ils n’avaient de valeur que monétaire, alors que devant eux se tenait une des créatures les plus légendaires. Un géant assis auquel Alphonse arrivait à peine à la cheville. Sa peau était couleur de bronze, sûrement à cause des produits servant à le conserver à travers les âges, et il était comme au premier jour de sa mort.
Eli Eli sortit une imposante seringue d’un sac qu’il transportait avec lui et marcha vers la jambe de la créature, pendant que Grimm murmurait pour lui-même, les yeux dans le vague devant le corps de ce Titan.
« Zaanter le Grand, Empereur de l’Archipel Balzaméen. Le Roi parmi les rois, le descendant des premiers Hommes. »

Le cadavre figé dans le temps imposait le respect, même Eli Eli paraissait être un insecte à ses côtés. Il y avait sûrement des géants plus grands, plus forts, ou plus terrifiants, mais celui-ci imposait une majesté sans pareille.
Le Majordome d’Alphonse banda ses muscles et planta la grande seringue dans le mollet jusqu’à une veine fossilisée, il tira de toute ses forces, et après quelques secondes de succion, une certaine quantité de sang jaillit dans le conteneur.

Le Maître-excavateur hurla depuis l’autre bout de la pièce, et les lumières s’éteignirent, Eli Eli put voir derrière la silhouette de Grimm qui se découpait dans le contre-jour de la petite entrée tous les autres sortir de la pièce. Il prit la seringue sous son bras et sortit à son tour, laissant son mentor prendre une dernière inspiration d’intemporalité.
Quelques secondes plus tard, Alphonse sortit de la tombe du Grand Zaanter, perdu dans ses pensées les plus profondes, et derrière lui la Porte fut refermée et rescellée, peut-être à jamais. Les explorateurs hurlaient de joie autour de lui, certains le remerciaient même d’avoir financé une telle quête, mais lui était ailleurs.
Il ne revint à lui qu’une fois à sa tente, quand Eli lui présenta la seringue à moitié remplie qu’il avait transportée avec soin.

Dedans, le liquide tremblotait tranquillement. Les yeux gris de Boum se perdirent dans cet écarlate nimbé de reflets bleutés, une couleur surnaturelle et impressionnante à voir, ces volutes azur semblaient apparaître et disparaître à leur gré dans le liquide, évanescents.

-Le Saint des Saints, mon petit Eli, le sang bleu des premiers Rois. Murmura-t-il en s’asseyant dans sa chaise.
Il prit un escargophone posé à-côté, agrémenté d’un escargophone blanc, un petit luxe pour éviter que des oreilles indiscrètes n’écoutent ses conversations. Après quelques secondes, il parla dans le combiné.

-Allô Monsieur Escargot ? Prévenez-les. Nous viendrons cette année, et nous avons de magnifiques lots à proposer !



***


Quelques semaines plus tard - South Blue - Eaux Septentrionales.


Le lourd cuirassier de la Marine fendait les vagues. Ici et là, des matelots s’affairaient. Xander était accoudé au bastingage et regardait les flots, pensif. Ils n’étaient que des invités sur ce navire, lui et les autres, l’Ange Déchu avait sombré depuis quelques semaines, et ils étaient actuellement en transition.
Victorieux mais contraints de s’acheter un nouveau bateau ou d’emprunter ceux des autres bases pour de courtes périodes.

Quoiqu’il en soit, Xander se fichait bien de ces histoires de bateau, ce qui le rendait songeur, lui, c’était l’immense île qui se profilait à l’horizon, celle qui était leur destination. Son point de départ aussi, pensa-t-il, son île natale. Shin Island.
Il reconnaissait l’air sec qui l’environnait, il pouvait déjà presque sentir l’odeur du sable qui entourait la mégalopole éponyme. Un soleil chaud, des pierres, du sable, et la misère humaine. Il était parti sans un regard en arrière, pour n’y jamais revenir, mais voilà que le destin l’y ramenait.

Pas le choix quand c’est les ordres. Azrael l’avait dit, et quand bien même ne l’aurait-il pas dit, Xander le savait. Et il n’avait certainement pas l’intention d’aller pleurnicher dans les jupes de qui que ce soit. Cette île n’avait jamais réellement représenté quoique ce soit pour lui, à vrai dire il n’y pensait presque jamais.
Il n’avait pas l’intention de faire le sentimental pour rien. Pourtant, avec cette forme qui apparaissait petit à petit à l’horizon, Xander ne pouvait pas s’empêcher de penser. Il aurait voulu qu’il pleuve, que la foudre frappe, que l’horizon s’éteigne dans une tempête, mais il savait son île natale condamnée à ce climat désertique qu’il abhorrait par-dessus tout.

Des bruits de pas retentirent dans son dos. Pas des pas de marin lourdaud qui s’échinait au travail, un pas beaucoup plus léger, glissant sur les planches.

-Il fait beau n’est-ce pas ?

Xander pouvait presque toucher le sarcasme tant il était évident dans la voix d’Arya, elle qui comme les autres connaissait son aversion pour ce climat. Il se contenta de grogner en réponse. Le ton taquin avait disparu lorsque la jeune femme reprit en s’accoudant à côté de lui, et il était devenu attentionné, presque maternel.

-Ça fait combien de temps que t’en es parti ? T’es sûr que ça va aller ?

-Huit ans… Xander laissa traîner un silence au milieu de sa phrase, et plongea ses yeux froids dans ceux d’Arya. On va récupérer le nouveau là-bas, t’es sûre que ça va aller ?

Arya tiqua sous l’assaut à peine dissimulé, elle ne s’était pas entièrement remise de la mort de Léon, leur ancien camarade, et Xander avait rouvert la blessure en mentionnant ce nouveau qui venait d’être assigné à leur unité. Ça aussi c’était un ordre, et là non plus ils n’avaient pas le choix.
La jeune femme se détourna en maugréant une diatribe contre l’orgueil des hommes tandis que son manteau de cuir noir claquait dans l’air marin. Xander eut un petit rire en la voyant partir en tempêtant comme ça, son intervention avait eu le mérite de lui remonter un peu le moral. Il leva les yeux et regarda un Marine agile faire des bonds dans le gréement en donnant des ordres à des collègues effrayés par ses acrobaties. Xander soupira et rit tout en même temps, avant d’hurler à Svenn de redescendre avant de blesser quelqu’un. Son collègue jovial lui répondit simplement par un cri sauvage hurlé vers le ciel.

-Xander. La voix d’Azrael retentit dans le dos de l’agent.

-Hm ?

-On va probablement avoir besoin de tout ce que tu sais sur la ville.

-Je sais.

-Ce n’est pas le genre de mission qu’on a le droit de foirer.

-Je sais.

-Parfait. Tu es dès à présent exclu de l’unité Justice.

Xander écarquilla les yeux et ouvrit bêtement la bouche, il ne comprenait pas ce qui venait de se passer. Derrière Azrael sur le pont, des soldats se retournèrent, tout aussi interloqués. L’ange avait parlé fort, suffisamment fort pour être entendu de tous. Arya ne semblait pas réagir, cependant, elle attendait patiemment à quelques mètres. Le Judge rompit la distance qui le séparait de Xander et murmura tout bas dans son casque.

-Ça s’agite tout en haut, ils sentent que quelque chose va se passer, c’est pour ça qu’ils nous ont envoyés. Mais dans ces conditions ? Vu les enjeux de la vente aux enchères, ils ne laisseront pas des Marines fourrer leurs nez n’importe où. C’est pour ça qu’on a besoin d’autre chose qu’un Marine.

Tout en chuchotant tout ça à l’oreille d’un Xander abasourdi, il avait arraché le symbole du gouvernement mondial épinglé sur son manteau au niveau du cœur, le laissant sans aucun insigne visible d’appartenance à un camp quelconque.

-Tu seras rendu à la vie civile sur ton île natale dès que nous aurons débarqué là-bas, tu es relevé de tous tes engagements. Azrael avait repris son ton du bluff en s’éloignant de Xander, pour être entendu de tous. Oh ! Et, j’ai failli oublier. Tu n’oublieras pas de récupérer « le colis » avec toi une fois là-bas, il pourrait t’être utile pour la suite.

L’agent mit quelques secondes à comprendre de quoi il retournait, jusqu’à ce que l’évidence le frappe d’un coup. Il faillit arborer un sourire en coin mais se retint, il hocha imperceptiblement la tête puis grogna et se détourna dans un geste de rage, fracassant un tonneau vide sur le chemin vers sa cabine, afin de donner le change.
Une fois isolé dans la pénombre de la petite salle de bois, son esprit se mit à fonctionner à toute vitesse, pour incorporer tous les détails de l’opération. L’adrénaline faisait battre le sang sur ses tempes, et il faisait les cent-pas comme un lion en cage. Il murmurait de manière inaudible pour lui-même en se préparant mentalement.



***



Cloud attendait tranquillement au port, cela faisait plusieurs heures qu’il était campé là, sous un soleil de plomb, à regarder les grandes voiles blanches marquées de la croix bleu ciel du Gouvernement Mondial qui faisait route vers le port.
Attendre sans bouger ne le dérangeait pas trop, la chaleur non plus d’ailleurs. C’était ce qu’il avait fait de la majorité de sa vie, attendre, quel que soit le temps, impassible.
Il n’avait pas besoin d’être au garde-à-vous pour l’instant, en tout cas. Il s’était assis sur un tonneau posé contre un mur et attendait patiemment, jetant par moment des regards vers le bateau qui poursuivait sa course vers lui.
Il aurait pu aller se balader dans la ville, il avait le temps, mais il était un peu stressé, donc il préférait attendre sur place. Après deux mois d’apprentissage dans un centre de formation pour jeunes recrues, et au moins trois fois plus à poireauter dans une attente interminable pour des problèmes de paperasse, il avait enfin reçu sa première affectation, et pas n’importe laquelle, l’unité Justice. Il n’avait jamais entendu parler d’eux à Mariejoa, mais nul doute qu’avec un nom pareil ils étaient réputés.
Cloud réajusta la lourde capuche de l’ample cape de toile qu’il portait. Le Colonel qui l’avait déposé sur cette île la lui avait donnée, en lui assurant que cela le protégerait de la chaleur, et qu’il valait mieux que personne ne sache qu’il était de la Marine tant qu’il n’avait pas été rejoint par ses supérieurs. Cloud n’avait pas l’intention de ne pas suivre de tels conseils.

Finalement, après une longue attente, plusieurs canots quittèrent le cuirassier ancré au large pour amener différent groupes d’individus ou de marchandises à terre. L’ancien esclave se leva tranquillement de son tonneau, faisant craquer sa colonne vertébrale endolorie par l’attente, et commença à se frayer un chemin dans la cohue pour essayer de rejoindre ces différents groupes et de se renseigner. Le premier groupe était composé d’un grand homme avec un manteau en cuir à col de fourrure qui avait un air condescendant et agressif sur le visage. Les soldats autour de lui déchargeaient des sacs de provisions mais le regardaient du coin de l’œil, effrayés.
Cloud en déduit que cet homme devait être une sorte de criminel en cours de transfert, sentiment que lui confirma un bref échange de regard avec le terrifiant personnage. Il se détourna rapidement et commença à marcher vers une autre barque, mais après quelque pas, deux mains se posèrent sur sa nuque et dans le bas de son dos.
Il allait essayer de se dégager mais tous ses muscles furent soudain tétanisés, parcourus par un courant électrique puissant, et la forte poigne dans son dos le happa, l’emmenant d’un pas décidé à travers la foule sans qu’il ne puisse rien faire. Tous ses muscles crispés, son corps tremblant sous la décharge, Cloud perdit connaissance.

Il revint à lui quelques minutes plus tard, dans une ruelle glauque et ombragée. Le bruit semblait indiquer qu’il était proche du port et de la foule, mais la seule chose qu’il voyait était une grande silhouette se découper en contre-jour, une silhouette dont il reconnaissait le manteau de cuir sombre.
Xander se pencha sur lui.

-Tu me fais pas une super première impression, mon gars. Non, bouge pas bouge pas. Je suis Xander, de l’unité Justice. Enfin… Bref, de l’unité Justice.

Cloud avait la bouche pâteuse et les membres endoloris, il s’apprêtait à utiliser ses pouvoirs pour s’évanouir loin de cet homme mais un instinct le retient. Un instinct qui mélangeait une certaine part de confiance en ce que venait de dire cet homme, de curiosité pour ce qu’il allait dire après, et une peur animale d’être dévoré s’il tentait de fuir. Il se remit sur ses pieds et commença à épousseter sa cape de toile, sans quitter du regard Xander, le jaugeant des pieds à la tête.

-Mieux, j’aime ce regard. Bref, pour l’instant ça va juste être toi et moi, je t’expliquerai tout dans quelques secondes, t’as un symbole de la Marine ou du Gouvernement mondial sur toi ?

-Non, répondit Cloud du tac au tac, j’ai laissé mon sweatshirt dans mon sac, dans une chambre d’hôtel à quelques pas du port.

-Parfait gamin, il va y rester. J’imagine que tu sais où on est et pourquoi ?

-Oui, on est à Shin City, et une des plus grandes ventes aux enchères du monde va avoir lieu ici comme tous les cinq ans dans quelques jours, l’unité du Judge a été déployée pour renforcer la sécurité du complexe.

-Pas mal, pas mal. Mais on n’est pas encore à Shin City, ici, simplement au petit bled portuaire qui sert d’accès aux étrangers, il faut un jour de marche pour atteindre la ville au cœur de l’île.

Cloud fut surpris par cette déclaration, il s’était baladé pendant deux jours dans la ville, et bien que de taille modeste, elle restait considérable, surtout pour un simple « bled portuaire ». Xander dut remarquer son étonnement, car il partit d’un petit rire.

-Shin City est l’une des plus grosses pu****s que ce monde ait jamais porté, gamin. Tu as probablement déjà vu des villes plus belles, des villes éclairées, riches, puissantes, étonnantes, mais je mettrai ma main à couper que tu n’as jamais rien vu qui s’approche de ça. Il y a le beau Centre, bien sûr, les disques riches. Mais ça n’est que la goutte au milieu de l’océan qu’est Shin City… Des hectares et des hectares de misère humaine étalée sous un soleil de plomb, un réservoir inépuisable de désespoir.

Xander s’arrêta soudain de parler, son visage avait pris une expression mauvaise et un éclat de rage s’était mis à luire dans son regard au fil de sa tirade. Il prit quelques secondes pour se calmer.

-Peu importe, après tout. Toujours est-il que cette vente aux enchères est un des évènements les plus importants du Monde lorsqu’elle se produit. Des raclures en tout genre débarquent pour essayer d’acheter ou de vendre tout et n’importe quoi à peu près n’importe où. La vente aux enchères principale a lieu dans un des disques privilégiés, c’est là qu’iront Azrael et les deux autres – que tu rencontreras plus tard. Normalement, la présence de la Marine est symbolique. En vérité, des criminels sont libres de se déplacer dans une forme de Statu quo général pour faire leurs emplettes. Il y a tellement de groupes d’influences différents que personne n’a intérêt à perturber les ventes. Le seul problème, c’est que cette fois, une sale rumeur court, il paraît que certaines personnes veulent essayer de dérober des choses.

-Dérober ? Aux enchères de Shin City ? Mais c’est de la Folie ! Il paraît même que parfois, des Yonkous se font représenter par des commissionnaires pour acheter des objets, qui voudrait se les mettre à dos ?

-C’est aussi ça le problème. Il y a des pirates, des voleurs ou même des Nobles qui ne voudront pas qu’on fourre notre nez dans leurs affaires, alors les trois autres gus n’auront aucune chance d’enquêter efficacement, c’est pourq…

-Des Nobles ? Des tenryuubitos vont assister à la vente ? Cloud avait haussé la voix et interrompu Xander.

-Calme-toi, cowboy, il ne devrait y avoir aucun grand ponte à cette édition. Après l’assaut sur MarieJoa dont tu as été témoin, les Hauts-Gradés sont sur les dents, ils ont réussi à convaincre les Dragons de ne pas quitter RedLine. Mais ça ne change rien au fait qu’ils seront peut-être représentés par des employés de maison qui verront d’un mauvais œil que des soldats enquêtent sur leurs achats. Peu de gens se déplacent en personne jusqu’ici, en vérité, surtout des locaux ou des envoyés qui communiquent avec les vrais acheteurs par Escargophone. Et c’est pour ça qu’on craint que la rumeur d’une attaque soit avérée, il n’y a en réalité que peu de gens puissants présents physiquement dans les locaux de la vente elle-même, et si un groupe s’avérait assez abruti pour vouloir se mettre à dos des puissances qui le dépassent de loin, on s’exposerait à des représailles qui mettraient South Blue à feu et à sang.

-Vous êtes au courant pour Mariejoa ?

-J’ai lu ton dossier, comme les autres. Mais peu importe d’où tu viens, tu es de Justice maintenant. Suis-moi.

Xander commença à marcher dans la ruelle dans la direction opposée au brouhaha du port, la main posée nonchalamment sur le pommeau de sa rapière. Au bout de l’allée, deux chevaux étaient harnachés et les attendaient, Xander sauta lestement sur le premier des deux.

-Nous pourrons arriver à Shin City juste après la tombée de la nuit si on se dépêche, ce serait parfait pour nous, ça nous permettrait de nous glisser incognito dans un des disques extérieurs de la ville à la faveur de l’obscurité.

-Pourquoi un des disques extérieurs ? On ne ferait pas mieux d’aller plus près du centre des Ventes ? Demanda Cloud en montant à son tour sur l’autre cheval comme il pouvait.

-Hahaha ! Bien sûr que non ! Xander était parti d’un rire franc. Il faut commencer par le commencement, les marchés noirs des coupe-gorges de la Bordure extérieure. Si on veut commencer à trouver des pistes, c’est au milieu de la vermine qu’on sera le mieux. En route !

À Suivre.


Dernière édition par Contre-amiral Smoker le Mar 20 Mai - 4:58, édité 1 fois
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Message par L'étrangleur Lun 12 Mai - 1:46





Un équipage presque au complet




South Blue. Vingt-cinquième Beuglantes
Jeudi, 12 mars 1638
Carnet de bord de L'Hérétique
Damam Death


Il pleuvait averse. Les vents mugissaient d'un tel boucan qu'il se révélât impossible pour quiconque d'entendre son camarade à un mètre de lui. Impossible pour un humain n'ayant pas mes capacités mais là n'était pas la question. Les "Vingt-cinquième Beuglantes" tenaient jusqu'à présent leur réputation de mer chaotique, violente et déchaînée. Voici trois jours déjà que nous naviguons dans ses eaux tumultueuses et plus d'une fois, une lame de fond faillit nous engloutir. Cela ne nous empêcha point de dormir à point fermé, en la robustesse de L’Hérétique, nous avions confiance. Cette carafe en avait vu des vertes et des pas mûres.  

Malheureusement, j'aurais aimé en dire autant de notre confiance dans les capacités de notre chère capitaine, Babylone War, qui nous avait en connaissance de cause dirigé vers cette dangereuse voie. La raison? Gagner du temps.
D'une manière générale, l'ambiance à bord de L’Hérétique s'était à la fois dégradée et embellie depuis l'arrivée de Babylone et de Moonlight. Ennemis, nous étions, sur Nal-Ohta mais la mort de Belzébuth changea tout. Au crépuscule de sa jeune vie, l'homme hydre me demanda de rejoindre son équipage, requête que j'acceptai sous certaines conditions, la plus importante étant que ma femme, Bérénice Von der Pest se joigne à nous. Aussi, nous fîmes voile aussitôt après la fin de ce traquenard vers l'île de Critérion pour la récupérer.  

Aujourd'hui, nous étions quatre sur cette carafe avec des liens plus ou moins claires. Personnellement, j'appréciais Babylone pour ce qu'elle était, une fine stratège, une capitaine effacée qui intervenait uniquement quand c'était nécessaire et une pitoyable navigatrice. Non pas parce qu'elle confondait le Nord et Sud mais qu'elle avait le chic pour toujours choisir les itinéraires les plus dangereux. J'y reviendrai, peut être.
Moonlight était l'exacte opposée de Babylone. Elle prenait son rôle de co-capitaine très à cœur et se faisait la gendarme de l'équipage. Elle aurait dû rester dans la marine, donneuse d'ordre est un rôle qui lui incombait à la perfection. Mes liens avec elle étaient des plus amicales et cordiales. Elle appréciait mon art, la taxidermie, à sa juste valeur et rarement j'avais eu à rencontrer une personne aussi passionnée. Sa synesthésie qui lui permettait de "voir" les sons m'avait de suite intriguée moi qui était capable d'entendre à deux kilomètres à la ronde. Ma femme jalousait notre relation si proche, pour du vent naturellement, il n'y avait qu'elle qui comptait à mes yeux.
Entre les filles la relation  était plutôt... Non, je ne me hasarderai pas à décrire cet imbroglio d'envie de meurtre et de profonde amitié qui animaient Bérénice et Moonlight chacune à l'égard de l'autre ou l'indifférence à l'admiration que manifestaient Babylone et Bérénice, l'une vis à vis l'autre.

Enfin, comme je le disais plus haut, nous cinglions les Vingt-cinquième Beuglantes par choix de notre capitaine, poussés par cet impératif de gagner du temps. Il n'était pas faux que nous étions en retard à cause d'un léger contre temps imputable à Bérénice. Depuis des semaines déjà, nous avions décidé à l'unanimité, chose rarissime, que nous nous rendrions à Shin City où se tenait une fois tous les cinq ans, une des plus grandes ventes aux enchères du monde.

*****
Babylone


Assise à côté du Samouraï désormais empaillé Odo "la fripouille" qui tenait lieu de figure de proue à l'Hérétique, Babylone était entièrement trempée par le crachin qui accompagnait les vagues déchaînées des Vingt-cinquième Beuglantes. Mais ni le froid, ni l'orage ne sauraient déteindre sur sa bonne humeur. Quelque part, dissimulée dans les gros nuages noirs qui bordaient l'horizon, se trouvait l'objectif de leur traversée, Shin City. C'était sa première grande "mission" depuis la mort de Belzébuth et elle avait à cœur de bien la remplir. Il n'était pas aisé de diriger cette poudrière qu'étaient les Knights Of Apocalypse mais d'un point de vue général, la Tueuse de Monde pensait s'en être bien sortie. Bien mieux que l'aurait fait Belzébuth.
D'ailleurs elle se retourna pour croiser les yeux éteints de son défunt ami et ex-capitaine. Belzébuth avait souhaité que Death l'empaille et depuis, le demi-géant de sept mètres de haut faisait office de grand mat pour la carafe.

- Babylone: Demain dans la journée nous arriverons à Shin City. Tu t'en souviens? C'était ton idée, tu voulais y aller et y f***re le bordel pour voir quelle puissance serait à tes trousses, inconscient que tu étais, dit-elle en s'adressant à l'empaillé. J'étais contre et bien sûr nous irons parce que chacun d'entre nous y aura des intérêts. La rumeur raconte que cette année, des lots et artefacts exceptionnels seront mis en vente. Parmi eux, il y aura selon les rumeurs la momie de Mineptah IV, Grand Empereur de Saqqarah durant le quatrième cycle. Bérénice et Death sont doublement intéressés par cette momie. Death affirme que cette momie serait la clé de ses recherches sur les techniques de momifications des anciens Saqqaréen et Bérénice de son côté recherche en cette momie des traces biologiques de la "Déveine", le Mimivirus qui serait à l'origine de l’annihilation de la civilisation Saqqaréenne.

Mais tu le sais déjà, Shin City revêt pour moi, pour nous, continua-elle après un court moment de pause, un autre intérêt. Sous son soleil de plomb se trouve le dernier Knight qui pourtant aurait dû être le troisième membre, Élijah. Il nous a donné rendez vous dans la salle des enchères mais tu le connais, il est aussi imprévisible que tu l'étais. La force est le meilleur baromètre qu'il connaisse et avec toi mort, je doute qu'il accepte de nous rejoindre. Il me défiera, il voudra tester de ma force.

- Moonlight: De la mienne alors, il tâtera, dit-elle en sortant de sa cabine à l'abri d'un parapluie. Je suis aussi capitaine que toi et mon rôle de garde du corps m'oblige à ne pas rester les bras croisés quand tu te bats. Doublement, il tâtera de "Crépuscule", conclut-elle en empoignant son Wakizashi sous son kimono.

- Babylone: Merci maman, satirisa-t-elle. Je suis capable d'affronter Famine toute seule. Tu vois ce que tu m'as laissé, Bel'? Une bande de gamins qui ne pense qu'à se taper dessus. Qu'est ce que je raconte moi, t'étais le pire...

*****
Shin City. Bordure Extérieure.
82ème Disque.
Élijah


Assoiffé depuis si longtemps...
A quatre pattes, j'évoluais dans les venelles étroites, puantes et boueuses de ce qui me semblait être un bidon ville. Le soleil de plomb achevait son oeuvre de déshydratation rendant mon esprit de plus en plus brumeux. J'étais un animal à la recherche de cette pitance qui m'échappait depuis des mois. Comment étais je arrivé là? Je ne saurais l'affirmer avec certitude.
Je dérapai à l'angle d'une des ruelles et humai l'air avec espoir. Je le sentis, mon instinct m'en informa. Une proie, un bipède non loin de ma position. Leste comme un félin, je sautai de toit en toit me rapprochant inexorablement de ce malheureux, ce premier déjeuner depuis des lustres.
Des flashs m'assaillirent, et les souvenirs vinrent par bribes floues.

Ça y est, je m'en souvenais. J'avais été capturé par un lieutenant de marine quelques mois plutôt alors que je tyrannisais un village sur North Blue. Les marines avaient dû m'affamer.

Comment m'étais-je échappé? Qui s'en souciait? Mon seul but était de me désaltérer. Ma vitesse m'emporta dans une espèce de cour commune à quatre blocs de maisons en tôle. Doucement, sans un bruit, je me cachai à l'ombre d'un mur et observai la scène. Des gens. Des hommes, des femmes et des enfants. Chacun s'occupait à sa manière, préparant de la nourriture, jouant au ballon, ou fumant. Devais je me ruer dans la cour? Tous les massacrer et assouvir ma soif?
Mon instinct me recommanda de rester dissimulé, plusieurs des hommes semblaient en faction. Ils étaient armés pour je ne sais quelle raison. Je fis quelques pas en arrière histoire de mieux me cacher et patiemment j'attendis un déclic.

Étonné par ma reverse et ma semi lucidité j'étais. J'avais déjà massacré plus d'un dans cet état quand le désir impérieux du sang me tenaillait.
Le déclic survint une dizaine de minutes plus tard quand un des hommes s'éloigna des concessions en sifflotant. A ras le sol, je rampai et le suivis. Il parcourut une vingtaine de mètres, s'engouffra dans une allée et commença à défaire sa ceinture. Un besoin urgent, pensais-je. Moi aussi j'en avais un à satisfaire.
Rapide comme l'éclair, je fusai sur ma victime. Avant qu'elle ne puisse saisir son arme ou hurler, mes longues jambes fouettèrent l'air et s'abattirent sur son cou en provoquant un doux craquement. L'homme s'affala contre le muret, le regard vide, le corps soulagé de son âme. Sans perdre de temps, je rapprochai ma bouche aux dents acérées de sa carotide que je sectionnai sans effort.

Jouissance !  Délivrance ! Enfin du rosé !
Au fur et à mesure que le précieux liquide écarlate coulait au fond de ma gorge, les souvenirs des derniers mois revenaient par flot ininterrompu.
Je me souvins de ma fuite après avoir tué le garde qui m'étais assigné, je me souvins de mes jours d'errance et de cachette au port de cette ville en attendant un bateau pour Shin City, je me souvins de mon embarcation clandestine à bord, et surtout je me souvins de la raison pour laquelle cette île me tenait tant à cœur.

Je décollai ma bouche du cou du malheureux, levai les yeux et les mains au ciel, revigorant de cette énergie nouvelle qui coulait dans mes veines et empreignait mon être. Je me souvins de mon pacte, je me souvins de mon ami et j'hurlai son nom à m'en casser la voix.  

- Élijah: BELZÉBUTHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHH !

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Message par Contre-amiral Smoker Mar 20 Mai - 4:51

Le cheval de Cloud marchait tranquillement dans les pas de celui de Xander. La chaleur s’était considérablement amoindrie avec la tombée de la nuit, et leur périple à dos de chevaux était devenu beaucoup plus agréable maintenant qu’ils le faisaient à la lueur de la lune.
Le marine à l’allure agressive avait insisté pour qu’ils aillent lentement, même si beaucoup d’autres voyageurs les dépassaient au trot sur leur chemin vers la ville. Il tenait vraiment à arriver de nuit pour pénétrer dans les disques extérieurs en toute discrétion, et même si Cloud pensait que le risque d’être attaqué par des bandits locaux de nuit était infiniment plus gênant que d’être vus au milieu de la foule, il n’avait rien opposé à l’homme.

Toutes leurs discussions avaient tourné court, et ils se déplaçaient en silence à travers la zone désertique qui les mènerait à Shin City. Ce mutisme permettait au moins à Cloud de profiter du paysage.
Une fois la chaleur et la soif disparue, les collines de sables et les plateaux rocheux qui se découpaient au loin à la lueur des étoiles et de la lune étaient magnifique, il avait rejeté sa capuche en arrière et jetait de tous côtés des regards émerveillés.
D’un coup, le cheval de Xander s’immobilisa.
Cloud s’était quelque peu laissé distancer, et le Marine était au sommet d’une colline qui barrait l’horizon. L’ancien esclave doutait que la distance entre eux soit si grande qu’ils puissent se perdre, mais l’autre avait marqué l’arrêt en haut de la colline et siffla un grand coup, lui faisant signe du bras de le rejoindre.
Cloud fit accélérer son cheval.

Ce qu’il vit au sommet de cette colline, il ne pourrait jamais l’oublier.
Sous ses yeux dansait une mer de lumière.

Aussi loin que son regard puisse porter à l’horizon, des centaines de milliers de lanterne brûlaient dans la nuit.
Encadré par le ténébreux désert, la ville de Shin City ne dormait pas, le gigantesque cercle qu’elle formait s’étendait à perte de vue, et la simple lumière des lampes de ses habitants emplissait la nuit comme un nouveau soleil, un soleil humain.

-Jolie vue, pas vrai ? Le seul endroit d’où cette ville est belle, si tu veux mon avis.

-C’est grandiose.

-Ne te fais pas trop d’illusions, Shin City est la maîtresse de toutes les déceptions possibles.

Le visage du Marine, dans lequel Cloud avait vu une douceur insoupçonnée pendant un instant, s’était à nouveau refermé, et Xander talonna son cheval pour qu’il parte au trot vers les lumières.
Cloud claqua de la langue, et son destrier fit de même. Le jeune Marine rabattit à nouveau sa lourde capuche sur sa tête, et accéléra encore pour se porter au niveau de son guide et supérieur hiérarchique.

-Comment est-ce qu’on va procéder, exactement ?

-On va aller voir certaines de mes anciennes connaissances, pour commencer. Si quelque chose se trame, quelqu’un des dix derniers disques en aura forcément entendu parler. Et demain, on fera le tour de quelques ventes aux enchères sauvages. On avisera selon ce que l’on trouve.

Cloud esquissa un hochement de tête pour montrer qu’il avait compris et laissa son regard se perdre dans le champ de lumière sous ses yeux tandis que son cheval descendait prudemment la colline de sable jusqu’à Shin City. L’ancien esclave n’avait aucune idée de ce qu’il trouverait là, ni des dangers qu’il pourrait rencontrer, mais il était déterminé à se montrer à la hauteur de sa tâche.
Xander le regardait discrètement, et un sourire naquit à la commissure de ses lèvres en voyant les yeux gris pâles de la jeune recrue balayer l’immensité avec sérieux. Il y avait peut-être quelque chose à faire de ce gamin, après tout.


***


-T’es sûr que c’était une bonne idée de laisser cette tâche à Xander seul ?

-Ça fait cent fois que tu poses la question, Arya, je ne vais pas encore te répondre la même chose. Une pointe d’irritation perçait dans la voix d’Azrael. Xander est parfaitement compétent pour prendre en charge une enquête.

-Il ne s’agit pas de compétence, il s’agit de manières ! Xander est un rustre indiscipliné, il pourrait empirer les choses plutôt que les régler, et puis envoyer ce Cloud tout seul avec lui, je suis persuadé qu’une personne de plus n’aurait pas été superflue.

-Ce Cloud a l’air d’avoir croisé pire que Xander dans sa vie, Arya.

C’était Svenn qui était intervenu pour la première fois dans la conversation depuis qu’ils avaient pris la route de Shin City. Il était nonchalamment affalé sur un tas de coussin, occupant à lui seul une grande partie de l’espace disponible dans leur carrosse. Il avait à la main les papiers que le QG avait transmis à Azrael concernant la nouvelle recrue. Le soldat aux cheveux argentés fronça les sourcils et reprit sans laisser le temps à Arya de s’engouffrer dans le silence.

-Il n’y a que deux choses qui me chiffonnent…. Pourquoi est-ce qu’il est resté aussi longtemps en transit à MarineFord ? Il a passé au moins six mois en attente d’affectation, et son dossier a été renvoyé de service en service jusqu’à ce qu’il atterrisse chez nous.

-D’après le Colonel qui m’a transmis son affectation, c’est MarieJoa qui a parasité un moment la gestion de son dossier, il a fallu que le Vice-amiral lui-même s’en mêle pour que ce gamin reçoive l’approbation pour le terrain. Répondit Azrael, soulagé que la discussion prenne une discussion autre que celle de l’heure précédente.

-MarieJoa ? Pourquoi ça ?

-Pas la moindre idée, Azrael haussa les épaules avec désintérêt, quelqu’un voulait peut-être lui épargner le service sur le front, il s’est peut-être fait des amis haut-placés. Et la deuxième chose qui te chiffonne ?

-Pourquoi est-ce qu’on a pris une calèche ? On aurait beaucoup plus eu la classe en chevaux !

-On n’a pas vraiment eu le choix, Azrael riait à moitié, les dignitaires de Shin City nous ont concocté une visite millimétrée, ils ne veulent pas prendre le risque de nous voir traîner trop près de certaines personnes.

Tout en prononçant ces paroles, Azrael avait légèrement écarté un des rideaux qui couvrait les vitres et observait discrètement à l’extérieur. Depuis son siège, il pouvait voir au moins deux cavaliers en armes qui « protégeaient » le flanc droit de leur moyen de transport.
Le moins qu’on puisse dire, c’est que son équipe et lui avaient été reçus en grande pompe. Xander avait à peine eu le temps de s’évanouir dans la nature à leur arrivée au port que déjà une longue procession de petits nobles et de bourgeois s’était rendu à leur rencontre pour les accueillir.
On les avait flatté, on les avait nourri, et on les avait mis dans ce carrosse grandiose qui les conduirait jusqu’aux logements préparés pour eux en centre-ville.

Azrael connaissait bien ce genre de pratiques, évidemment, qui étaient monnaie courante dans les îles célestes lors des déplacements des Dieux ou des gardes célestes d’une île à l’autre, mais celle-ci en l’occurrence le gênait.
Être traité comme un coq-en-pâte n’avait rien de gênant s’il n’y avait pas de danger, mais il savait pertinemment qu’on lui reprocherait tout débordement dans le déroulement des enchères, peu importe qu’il ait eu les mains liées ou non.
Il laissa retomber le rideau, occultant le ciel étoilé de South Blue de sa vue, et soupira.

Il avait envisagé de refuser la mission, il aurait pu. Simplement reporter ce fardeau sur quelqu’un d’autre, et continuer sa route sur des chemins moins tortueux, mais le message de MarineFord était clair.
« GrandLine a un prix », et cette mission serait un tournant décisif si Azrael voulait obtenir un passe-droit vers la Route-Mère et ses dangers.
Il se retourna vers Arya et Svenn qui avaient les yeux rivés sur lui.

-Cette semaine, nous rencontrerons des dignitaires de Shin City, et ils nous feront faire un premier tour de la zone où se tiennent les enchères. Ce n’est pas parce que Xander se charge de l’enquête libre que nous devons nous prélasser, on analysera chaque personne, chaque objet, chaque grain de poussière s’il faut, je refuse qu’on laisse passer quoique ce soit.


***


Après quelques temps d’une chevauchée qui avait semblé interminable à Cloud, tant l’immensité de la ville l’avait trompé sur sa proximité, les deux soldats étaient enfin arrivés à l’entrée de la colossale mégalopole.
Cloud regardait autour de lui avec étonnement. Il s’était attendu à buter contre une gigantesque muraille de cent pieds de haut, scellant circulairement la grande ville pour la protéger des envahisseurs.
Mais au lieu de ça, Xander et lui s’étaient contentés de croiser des maisons d’abord esseulées puis de plus en plus agglutinées, jusqu’à finalement former un ensemble relativement aléatoire de constructions qui méritait à peine le nom de ville.
Le jeune homme fit la remarque à Xander, qui éclata d’un grand rire qui résonna dans la nuit silencieuse, affolant les chats errants et faisant apparaître quelques yeux aux fenêtres. L’assassin mit quelques secondes à calmer son hilarité, pendant que Cloud se demandait comment il faisait pour passer d’une humeur maussade à un rire tonitruant.

-Il y a des murailles à Shin City, mais tu ne les trouveras pas ici.

-Comment ça, elles sont de l’autre côté ?

-Pas du tout. Shin City est la seule véritable ville de cette île, elle n’a jamais eu à repousser le moindre envahisseur étranger, il n’y a donc pas besoin de murailles extérieures. Et les disques extérieurs sont en étalage constant, la ville grandit d’année en année, construire un rempart ne serait dans l’intérêt de personne.

-Où sont les remparts, alors ?

-Plus loin, à l’intérieur. Xander avait joint le geste à la parole et désignait la ville qui s’étendait devant eux d’un mouvement de bras. Il y a six murs qui délimitent les grandes sections de la ville, chacune composée de plusieurs disques qui sont plus ou moins séparés les uns des autres. Le seul moyen officiel de franchir ces murs est la Via Roggia, la route qu’emprunteront Azrael et les autres, et chacune des portes est lourdement gardée.

-Je vois.

-Ces murs ne sont pas faits pour protéger d’envahisseurs étrangers, ils sont faits pour protéger des disques extérieurs…

-Je vois…

Ils avaient continué d’avancer dans ces faubourgs pendant plusieurs minutes, Xander semblait savoir où il allait la plupart du temps, même s’il faisait souvent remarquer que la ville était comme un organisme vivant tout le temps en changement, et qu’elle avait changé en maints endroits depuis son départ.
Cloud surprenait souvent des regards dirigés vers eux depuis des ruelles coupe-gorge ou des toits, mais à chaque fois qu’il tournait la tête, les silhouettes semblaient s’évanouir dans les ombres, comme si elles n’avaient été que le fruit de leur imagination.

Il n’avait pas remarqué de changement radical entre le 82° disque, le plus à l’extérieur, et le 81° ou le 80°, mais depuis qu’ils étaient dans le 76° – selon Xander – il pouvait apercevoir le mur qui délimitait l’espace vers la zone de qualité supérieure, et qui se trouvait entre le 74° et le 75° disque.
Sa haute forme sombre s’élevait au loin et grandissait de minute en minute, à peine discernable dans l’obscurité si on ne faisait pas attention aux quelques torches qui se déplaçaient sur le chemin de ronde.
Sa présence oppressante jetait comme une nappe de ténèbres qui occultait le ciel nocturne, donnant un sentiment désagréable à Cloud.
« C’est presque au pied de ce mur que je suis né. » La révélation de Xander l’avait presque estomaqué. À chaque regard qu’il jetait autour de lui, à chaque fois qu’il voyait cette obscure présence couper l’horizon, Cloud essayait de s’imaginer ce que ça devait être de grandir dans un endroit pareil. L’ancien esclave toucha machinalement le collier de métal qui lui enserrait le cou, dissimulé sous son écharpe fétiche.
Il n’était plus explosif depuis des mois, mais l’ancien esclave ne parvenait pas à se résoudre à l’enlever, il se sentait démuni sans. Sa main glissa ensuite jusqu’à son pectoral. Il était impossible de le deviner au toucher, mais il savait pertinemment quel symbole y était tatoué, la patte des dragons.

Il était perdu dans ses pensées quand Xander arrêta son cheval d’un coup sec et sauta lestement à terre.
Cloud balaya les environs du regard, il ne voyait rien de spécial aux alentours, mais l’assassin avait l’air particulièrement tendu, il se défit de la ceinture qui tenait sa rapière et son parapluie et marcha jusqu’au cheval de Cloud, où il tendit son arme à la jeune recrue.

-Tu as une arme sur toi ? Du genre discret ? Murmura-t-il d’une voix si ténue que cloud faillit ne pas l’entendre.

Sans répondre, le nouveau ouvrit discrètement un des compartiments de sa ceinture dans laquelle il conservait des objets très divers, la main de Xander passa en un éclair et se saisit de l’arme qu’il conservait à l’intérieur, un couteau à cran d’arrêt. L’assassin fit un clin d’œil à Cloud et commença à marcher vers une ruelle.
Elle ressemblait à tous les autres coupe-gorges qu’ils avaient pu croiser. Sombre, glauque, les murs couverts de graffitis divers et variés, des mots illisibles, des dates diverses et variées, quelques symboles gravés au couteau, et sur une pierre relativement propre, un symbole peint à la peinture rouge. Deux éclairs entrecoupés qui formaient une sorte de X, comme sur un drapeau pirate mais sans le crâne.

À peine Xander eut-il mis un pied dans l’allée qu’une silhouette sauta d’un des toits pour atterrir devant lui, confirmant à Cloud qu’il savait parfaitement dans quoi il s’engageait. La voix de la personne qui avait sauté s’éleva dans la nuit, Cloud ne comprenait pas exactement ce qui se disait, mais le jeune garde devait être en train de menacer Xander.
À partir de là, tout se passa très vite. Une des mains de Xander jaillit et se saisit d’un des poignets du jeune homme avant de le tordre dans une clé experte, puis l’autre main qui tenait le couteau activa le mécanisme dans un petit déclic, faisant jaillir la lame qu’il colla dans le dos de sa proie, à la naissance du bassin, avant de lui murmurer quelques mots à l’oreille qui durent le convaincre puisqu’il n’appela pas à l’aide.

Xander tourna la tête et fit signe à Cloud de le suivre.
Le soldat néophyte sauta immédiatement à terre, emportant avec lui la rapière de Xander. Il jugea néanmoins plus sage d’attraper la bride de son cheval et de celui de l’assassin et de les tirer avec lui jusque dans la ruelle, où il les attacha rapidement à une gouttière avant de rejoindre son supérieur au pas de course.
Au bout de l’allée, une lourde porte en métal rouillé bloquait l’accès. Vu l’épaisseur des gonds, Cloud comprit qu’elle servait d’entrée à une base. Xander tenait toujours son prisonnier en respect en lui bloquant un bras et en appuyant la lame effilée contre son dos.

N’ayant pas le choix, l’autre frappa fort sur la porte avec son bras libre. Quand une paire d’yeux se révéla par une mince fente qui permettait de regarder qui arriva, il parla d’une voix hésitante mais qui se voulait chaleureuse à l’homme à l’intérieur pour le convaincre d’ouvrir.
Avec un grognement, le gardien de la porte obtempéra.


Lorsqu’il ouvrit le battant, Xander lâcha son prisonnier et le jeta sur l’autre garde d’un grand coup de pied dans le dos, puis il fit irruption dans la grande pièce derrière sans se soucier des deux hommes qui se relevaient et attrapaient leurs armes.
Il marcha nonchalamment vers le centre de la pièce, au cœur de l’éclairage, tandis qu’au moins une vingtaine d’autres malfrats tiraient leurs couteaux rouillés aux quatre coins de la salle.

-Arrêtez ! Rugit une voix dont Cloud ne pouvait pas encore voir le propriétaire.

Le soldat s’avança et rejoignit Xander, qui se tenait debout au milieu de tous les hommes en armes et furieux en arborant un grand sourire satisfait.
Assis dans une grande chaise qui faisait presque office de trône, et avec derrière lui un grand tissu blanc estampillé des deux éclairs rouges, un homme d’une trentaine d’année éclata d’un rire franc, surprenant tous les autres.
C’était lui qui avait stoppé les autres, et il devait être leur chef, car son rire les avait tous immobilisés et aucun n’osait faire un pas en direction de Xander qui gardait son air satisfait.
Le jeune qui s’était fait malmener par Xander s’avança vers son leader.

-Chef ! Ce type m’a…

-Silence, Ilmar.

-Mais…

-Silence, je te dis. Tu es trop jeune pour le connaître, mais c’est Xander Gladstone qui se tient devant toi.

À ces mots, tous les yeux s’écarquillèrent de surprise dans la salle, les plus jeunes murmurant entre eux comme s’ils avaient devant eux une légende, et les plus vieux prêtant attention aux traits du visage pour y reconnaître celui qui avait été leur chef.

-Ça faisait longtemps... commença l'assassin.

-Trop longtemps. Répondit le chef du gang.

Xander s'avança un peu vers l'autre homme en lui souriant amicalement, mais ses yeux se détournèrent une seconde pour se poser sur un cadavre allongé sur une table contre un mur et qui devait être le sujet de la rencontre interrompue. Le cou du mort formait un angle qui laissait facilement deviner la raison de sa mort, mais plus que sa nuque brisée, c'était la couleur de sa peau, exsangue, qui fit se dresser les poils dans la nuque de Cloud. Xander reprit.

-Des problèmes ?

-On fait comme on peut. Toi, de ton côté, tu as l’air… vivant. Après toutes ces années, personne n’aurait parié là-dessus.

-J’ai la vie dure. Mais je ne suis pas venu pour parler du bon vieux temps, j’ai besoin d’un service.

-C'est toujours ton symbole qui orne les murs, Xander. L'homme désigna la bannière abîmée derrière lui. Toi plus que quiconque peut demander un service.

-J'ai besoin d'informations, et j'ai l'impression d'être venu là où il fallait.

Encore une fois, les yeux de l'assassins se reposèrent sur l'effrayant cadavre, qui avait de toute évidence piqué son intérêt.

-Tu es venu exactement là où il fallait, mon ami, les Déshérités sont à ton service.

À suivre.
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L'argent n'a pas d'odeur Empty Re: L'argent n'a pas d'odeur

Message par L'étrangleur Sam 24 Mai - 1:14





Purge



Shin City
10ème Disque
Q.G du comité d'organisation des enchères


Assis en silence autour d'une table ovale dans la semi pénombre de cette salle de réunion, cinq personnes attendaient impatiemment une nouvelle qui tardait à venir. Sans se mentir, chacun d'entre eux connaissait déjà plus ou moins la teneur du message à venir. Ils avaient de très longues années d'expérience à leur actif et gérer des moments de crise comme celui-ci n'était au final devenu qu'un train-train professionnel.
Sans dire mot, chacun me mit à réfléchir aux solutions possibles quand déboula à bout de souffle dans la salle un jeune homme en costard cravate. Il dérapa avant de cogner la table puis haleta, une main posée sur ses côtes.

- Mr Tout-le-monde: Respires profondément mon enfant, et dis-moi tout, dit posément l'homme assis à la place d'honneur, au milieu.
- Jeune Homme: Ha! Ha! Monsieur, vos soupçons se sont avérés exacts. Si "Le Mercantile" est en retard, c'est parce qu'il a été attaqué par l'Armée Révolutionnaire. L'équipage a été tué et la marchandise libérée.

Celui qui semblait être le manitou ne broncha pas à cette nouvelle. Il sortit un cigare de son étui, l'alluma et en tira une longue bouffée. Il expulsa la fumée d'une manière très classe qui le rendait d'autant plus badass.

- Mr Tout-le-monde: Je vois. C'est très fâcheux. Il y avait dix packs de dix ouvriers sur ce navire.
- Mr Tirelire: Une forte proportion des clients se déplacera pour cette main d’œuvre bon marché, nous ne pouvons pas nous permettre de dire qu'il n'y aura aucun esclave en vente.
- Mr Tout-le-monde: Il y aura des esclaves, "Le Poiscailler" approche déjà de Shin City. Cela dit nous devons combler le vide laissé par "Le Mercantile" et pour ça j'ai une bonne idée, acheva-t-il en esquissant un sourire des plus machiavéliques.

*****
Shin City
Port Principal


Il faisait nuit noire quand L’Hérétique entra dans les eaux territoriales de Shin City. Debout dans le nid-de-corbeau, Bérénice regardait au loin s’étaler la myriade dansante de lumière qui émanait de la ville. Elle avait toujours aimé les grandes villes parce qu'elle pouvait s'y fondre aisément, surtout parce qu'elles contenaient tant de gens, tant de cobayes potentiels. Mais cette fois ci, elle se tiendrait à carreau comme le lui avait hurlé Babylone une centaine de fois. Des rappels intempestifs qu'elle jugeait agaçants et insultants, elle était loin d'être stupide. Elle n'avait pas passé plus de dix années à échapper aux assassins du Cipher Pol en agissant par impulsion.
Et encore, les enchères seraient sans doute un tremplin dans sa compréhension des virus préhistoriques si elle parvenait à acquérir la momie de Mineptah IV. Le massacre, elle le ferait après Shin City, avait-elle dit à Babylone sur un ton d'une infinie suffisance.

Dès leur entrée dans le port, des sentinelles armées de lampe luminescence les guidèrent jusqu'aux rampes d'amarrage où L'Hérétique jeta l'ancre quelques minutes après. C'était apparemment une zone réservée aux forbans, des dizaines de bateaux battant pavillon noir s'alignaient en une file bien ordonnée. Les Knights ne posèrent pas un pied à terre qu'un petit comité de trois hommes les accueillit. Ils étaient de noirs vêtus, le visage dissimulé derrière des masques aux expressions implorantes ce qui tranchait nettement avec l'espèce d'aura meurtrière qui émanait d'eux.

- Homme 1: Bienvenue à Shin-City. Enchères ou Guerre?
- Babylone: Enchères.
- Homme 2: Dans ce cas nous vous souhaitons encore la bienvenue. Le comité d'organisation a mis des moyens spéciaux en place pour l'accompagnement et l'acheminement de nos humbles évités. Vous devez payer ici même le passe-droit qui vous donnera accès à un ensemble de commodités qui comprend entre autre votre hébergement, restauration, et locomotion. Le passe-droit est de 10 millions de Berry.
- Moonlight: Autant?
- Homme 3: Il voulait dire, par tête.
- Babylone: 40 briques à nous 4. C'est quoi, un test éliminatoire pour vous imprégner de notre capacité financière?
- Bérénice: Payons, j'ai pas envie de m'éterniser sur ce quai venteux.
- Babylone: Tu me prends en charge Maman? J'n'ai pas un rond.
- Moonlight: Que dalle espèce de dalleuse, travailles comme tout le monde.
- Babylone: Excuses moi de ne pas être une tueuse à gage, ou une bio-marchand-de-la-mort.
- Bérénice: C'est tellement lucratif d'être un marchand de la mort, si tu savais. J'te prête ce que tu veux mais avec un intérêt de 200% si tu me rembourses dans le trimestre. Dépassé ce délai, l'intérêt doublera chaque mois.
- Babylone: ... Comme si j'avais le choix.
- Bérénice: J'aime ton sens des affaires !
- Moonlight: Comment comptes-tu lui rembourser?
- Babylone: En empruntant avec Elijah après lui avoir fait du charme. Il est très riche, du moins c'est l'impression qu'il m'a donné la première fois que j'l'ai vu.
- Moonlight: Cette racoleuse...

Ils payèrent chacun à leur manière après cette interminable discussion. Un kit contenant un badge personnalisé, des clés de chambres d’hôtel, des cartes de la ville, le programme des enchères et bien d'autres choses leur fut remis.
Shin City était au delà des dunes de sables qui s'étendaient devant eux, aussi ils retournèrent un moment sur le pont de la carafe pour décider de la marche à suivre.

- Moonlight: D'après le programme, l'enchère commence dans 3 jours à 10h. Je croyais que nous étions en retard?
- Babylone: Seulement trois jours, faut qu'on trouve Famine avant.
- Death: Pourquoi traquer quelqu'un qui vous cherche? Demanda-t-il en parlant pour la première fois depuis des semaines. S'il vient aussi pour les enchères, nous n'aurons qu'à le rencontrer dans la salle.  
- Babylone: Euh, je préfère le rencontrer avant. En plus les détails nous renseignent que la salle des enchères est un amphithéâtre de plus de trois milles places assises. Si on pouvait le trouver avant, se serait chouette.
- Bérénice: Un numéro n'aurait pas été de refus...
- Moonlight: Toi qui l'a déjà rencontré, c'est quel genre? Il paiera tranquillement comme nous ou penses-tu qu'il essaiera la force?
- Babylone: Heu... Il est très intelligent et réfléchi quand il veut mais la plus part du temps, il agit à l'instinct. C'est le même genre qu'était Belzébuth, ils attaquent d'abord et constatent les retombées après. En plus la dernière fois que nous avons entendu parler de lui, il était à l'origine d'une étrange mutation génétique sur une île d'East Blue.
- Bérénice: Ah l'affaire de l'Aiguille Écarlate? Magnifique, il me plait déjà...
- Babylone: Mouais, quoiqu'il en soit, malgré ses manières raffinées, il est du genre à traîner dans les bas quartiers.
- Bérénice: Bien sûr, là où personne ne remarque les disparitions, où tu as des cobayes à volonté. C'est vraiment un bon...
- Babylone: Laisses moi finir tu veux? Donc, j'aimerais que quelqu'un couvre les disques extérieurs de Shin-City en attendant le Jour-J. Cette ville à l'air d'avoir une grande proportion de laisser pour compte et ce que je ne veux pas c'est qu'il fasse un truc qui mette en péril les enchères. Si on le trouve dans un truc suspect, on l'arrête et par la force s'il le faut.
- Moonlight: Surtout par la force. Je m'y colle, l'infiltration était mon lot pendant sept années au Cipher Pol.
- Death: Je passe mon tour, aucune envie d'engager un combat qu'il m'obligerait à le tuer.
- Bérénice: Je viens avec Moony, j'veux voir ce type.
- Babylone: Parfait, Death et moi écumerons les disques aisés. Quand vous voudrez rentrer, vous n'aurez qu'à emprunter la Via Roggia pour rejoindre le dixième disque où nous logeons. Death et moi, emprunterons la Cielo Roggia.
- Death: ?

*****
Shin City. Bordure Extérieure.
81ème Disque.
Élijah


Pour la première fois depuis des semaines, mon esprit était d’une lucidité totale. Couché sur le toit d’une maisonnette, je regardais le ciel étoilé, perdu dans mes pensées. J'avais étanché ma soif et même trouvé des vêtements de rechange -pas ceux que j'aurais voulu mais peu importe-. Tout ce qu'il me fallût ensuite c'était un plan de bataille.
D'après les infos que j'avais récoltées en me rapprochant des zones d'aisances supérieures, les enchères auraient lieu dans trois jours. Belzébuth et Babylone devraient surement être en route à moins qu'ils n'aient déjà débarqué. Je me souvenais clairement que l'hydre voulait f***re le feu à cet endroit, il voulait tester de la réalité des puissances se dissimulant derrière cette vente. J'étais de son avis mais dans notre délire nous avions oublié de tracer un plan, même pas de quoi nous contacter une fois sur l'île.

Que devrais-je faire dans un tel cas de figure? f***re le bordel avant ne serait d'aucun intérêt. D'un côté les murs étaient bien gardés et il aurait relevé de la folie que de s'y attaquer de front.
Toutefois, j'avais observé des calèches empruntant cette voix sécurisée qui déversait les disques aisés. Je pourrais tendre une embuscade à l'une d'entre elle et me...

Je fus interrompu dans mes pensées par une rafale de coups de feu. Je me relevai instantanément et de bond en bond, me rapprochai de l'endroit d'où avaient été tirées ces rafales. Le danger m’excitait toujours, il n'y avait pas à réfléchir, je voulais savoir. J'atterris sur un poteau et m'y accrochai par les pieds, la tête en bas comme une chauve-souris puis observai avec attention la scène sous mes yeux.
C'était le chaos.
Des hommes en noirs, vêtus d'étranges combinaisons et de masques à gaz tiraient sans sommation sur la populace de ce bidon ville qui s'enfuyait en désordre telle une colonie de fourmis devant un fourmilier. Contrairement à ce que j'avais pensé, je remarquai vite que les balles étaient en fait des aiguillons tranquillisants qui endormaient leurs victimes. Au fur et à mesure de l'avancée du groupe, les corps jonchèrent le chemin. La file arrière de la procession ramassaient les assommés -uniquement les hommes- et les jetaient pêle-mêle dans un grand chariot tracté par cinq chevaux.

- Homme Cagoulé: Tu m'fais quoi là? hurla-t-il à un de ses subordonnés qui venait de jeter un homme dans le chariot. Tu penses que quelqu'un voudrait acheter ce gringalet? Nous devons constituer 5 packs de 10 hommes robustes.
- Subordonné: Désolé monsieur, je pensais que...
- Homme Cagoulé: Tu n'as pas à penser, obéis ! En ce moment, une autre équipe écume le 78ème disque pour constituer 5 autres packs. Le roi a donné son accord, et qui plus est, c'est un bon moyen de nous débarrasser de la vermine. Mais si nous n'en trouvons pas assez, c'est nous qui serons vendus. T'as envie d'être vendu? gueula-t-il.
- Subordonné: Chef non chef !
- Homme Cagoulé: Alors choisis bien et plus vite que ça !

C'était donc une purge avec en filigrane un besoin de fournir les enchères en esclaves. Étrange, j'aurais pensé que tous les articles proposés étaient extérieurs à l'île.
Un sourire illumina mon visage dans la nuit, je venais de me rendre compte que je détenais mon ticket d'entrée dans le saint des saints. Y aller les mains et pieds attachés pourrait être amusant, je verrai la bête de l'intérieur et la tête de Belzébuth en me voyant prisonnier pourrait être amusante.
Ces hommes cherchaient des packs d'humains, j'étais trop généreux de leur offrir un beau spécimen de Longue-jambe comme moi.

- Élijah: Pssssss, sifflai-je pour attirer l'attention de la procession sur moi. Tel un oiseau de proie, je sautai de mon perchoir, une expression carnassière embellissant mon visage. Me rendre docilement aurait été trop facile.
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L'argent n'a pas d'odeur Empty Re: L'argent n'a pas d'odeur

Message par Contre-amiral Smoker Ven 30 Mai - 3:29

-‘Lut… Lâcha Svenn en baillant à moitié en direction d’Arya et Azrael.

Les deux Marines étaient déjà réveillés depuis apparemment beaucoup plus longtemps que lui. Ils étaient assis autour d’une table garnie de nombreux plats pour le petit déjeuner, mais avaient déjà fini de manger à en juger par les miettes qui parsemaient leurs assiettes vides. Arya lui répondit avec le sourire tandis qu’Azrael levait à peine les yeux de son journal.
Svenn faillit pouffer de rire quand l’idée qu’ils ressemblaient à un vieux couple de quinquagénaires lui sauta à l’esprit, chacun le nez plongé dans ses papiers et un café à portée de main.

Le buffet mis en place était luxueux, tout comme les appartements qu’on leur avait alloués. Azrael avait protesté que le gouvernement Mondial possédait des locaux dans lesquels ils pourraient loger et subvenir à leurs propres besoins, mais il n’avait pas eu gain de cause. Ils étaient désormais logés dans cette prison dorée au cœur du neuvième disque.

Le nordique n’avait pas vraiment compris cette histoire de disques, la ville était apparemment divisée concentriquement en plus de 80 de ces machins, du plus riche au plus pauvre. Il avait bien vu certain des murs principaux, d’énorme remparts de pierre massive qu’ils avaient traversé dans la nuit, et qui séparaient apparemment la ville en plusieurs sections ou « Cercles ». Le premier rempart entourait le minuscule Cercle Royal au centre, composé du seul Palais Royal, juste après venait le relativement petit Cercle Clérical et sa muraille protégeant les saintes reliques. Le Cercle Nobiliaire était celui où ils se trouvaient et où aurait lieu les enchères, il était assez grand comparé aux deux premiers. Après la muraille qui l’entourait venait le Cercle Militaire, où logeait l’armée de parade de la ville de Shin City, un corps d’armée chargé de protéger les trois Cercles Privilégiés derrière son « Rempart des Justes », le quatrième des six murs de la cité.
Les deux autres gigantesques murailles séparaient le Cercle Bourgeois du Cercle Artisanal et enfin le Cercle Populaire, le seul que rien ne protégeait du monde extérieur. Ces fractions étaient parfaitement visibles et presque impénétrables, mais chacun de ces cercles était divisé lui-même en différents disques. Azrael avait expliqué que la séparation entre ces disques se manifestait par une simple ligne continue peinte au sol, et qu’elle était surtout symbolique. Tous pouvaient aller et venir dans tous les disques de leur Cercle – Les Nobles pouvaient même aller dans le Cercle Clérical pour se recueillir – mais chacun devait tôt ou tard retourner jusque dans son disque.
C’était là la vraie cruauté de ce système. Acheter une maison dans un meilleur disque que le sien coûtait souvent très cher. Quant à changer de Cercle ? Il fallait radicalement changer de statut social.
Chaque barreau de l’échelle de Shin City était méthodiquement huilé pour que les pauvres retombent dans la fange dont ils essayaient de s’extraire.

Svenn réfléchissait à tout ça en engloutissant tout ce qui passait à portée de sa main sur la table. L’organisation de cette ville avait beau le dégoûter, il ne disait pas non à de la nourriture gratuite, et il fallait admettre que les cuisiniers étaient doués.
La plupart des concepts sur lesquels était basée cette cité lui échappaient totalement, et il n’était pas mécontent qu’il en aille ainsi, il préférait la bestialité de ses contrées natales à la sauvagerie organisée que mettaient en œuvre tous ces sudistes.
Le Possédé s’aperçut en attrapant un cinquième chausson aux pommes que son Lieutenant l’observait se goinfrer avec consternation. Il tentait d’avaler la moitié de croissant qui lui restait dans la bouche pour pouvoir s’expliquer quand trois légers coups furent frappés à la porte.

-Entrez. Répondit Azrael en reportant son attention sur la grande porte en bois laqué et aux poignées lustrées.

Les deux battants s’ouvrirent sur une volée de serveuses aux yeux baissés qui entrèrent dans la salle pour débarrasser la table, au grand dam de Svenn, mais aussi sur un jeune homme à l’air faussement jovial. Il était richement habillé dans un style oriental aux couleurs chatoyantes et portait sur le côté une épée d’apparat qui n’avait probablement jamais connu le combat.
Azrael nota aussi la présence de deux hallebardiers de part et d’autre de la porte qui n’entrèrent pas, et devaient donc avoir été stationnés là toute la nuit.
Le nobliau, lui, devait être celui qui allait les coller durant toutes les visites. Cet « envoyé diplomatique » avait probablement pour mission de les tenir à distance de toute enquête réelle tout le temps des enchères, mission qui lui rapporterait probablement gros.

-Bienvenue, amis ! Lança le jeune inconnu avec un grand sourire. J’espère que vos appartements vous conviennent, n’hésitez pas à me faire part du moindre inconfort, je me chargerai d’y remédier. Ah ! Mais je manque à tous mes devoirs d’hôte. Je suis Salael Abn’Farouk, les Princes de Shin Island m’ont personnellement chargés de veiller à ce que rien ne vous importune durant votre séjour.

À la mention de ses maîtres, l’escorte se fendit d’une petite révérence. Azrael se leva et alla lui serrer la main. Le Marine dominait son interlocuteur d’une demi-tête, et il vit une lueur d’incertitude traverser le regard de ce Salael lorsqu’il retint sa main une seconde après la fin de leur poignée de main.

-Enchanté. Je suis le Lieutenant Azrael Winter de Marine Ford, et voici qui m’accompagnent l’Adjudante Stark et le Soldat Svenn Asgard. Je suis content de vous voir, j’avais justement quelques requêtes.

-Des requêtes ? Mais faîtes m’en part, je vous en prie.

-Excellent. Commençons sans plus attendre. Tout d’abord, je vais avoir besoin d’une liste exhaustive de tous les exposants et de tout le personnel des Enchères qui vont avoir lieu, tous ceux ayant des antécédents judiciaires ou ayant des identités truquées seront interrogés en cellule par moi ou un de mes subordonnés personnellement, et nous jugerons de leur cas individuellement. Il va aussi me falloir des données sur les objets mis en vente, afin de déterminer lesquels sont dangereux pour les isoler des clients afin d’éviter tout accident. Enfin, nous posterons un ensemble d’escarmeras dans le complexe hôtelier de la vente aux enchères, ainsi qu’un escargophone d’écoute pour surveiller d’éventuels contacts terroristes durant les ventes.

À chaque mot d’Azrael, le fantoche de la cour de Shin Island avait blêmi, et il avait à présent à peu près la couleur du lait des chèvres de l’Atlas, blanc comme un linge. Les demandes du Marine  étaient clairement exagérées et allaient toutes à l’encontre exacte du déroulement prévu et exigé par les dirigeants des enchères.

-Ahem… commença Salael, alors qu’une goutte de sueur perlait sur son front, je crains que cela ne soit pas… possible. Toutes ces exigences sont… ne sont… n’étaient pas prévues… vous voyez ? Et…

-Comment ?! Azrael abattit son poing sur la table, provoquant des réactions apeurées chez les servantes, son visage affectait parfaitement un rictus de colère. Comment suis-je supposé veiller à la sécurité de qui que ce soit si on ne m’en donne pas les moyens ? Si on me met des bâtons dans les roues, je serai obligé d’en référer à ma hiérarchie ! Et qui plus est…

-Azrael, Azrael… intervint calmement Arya, et Svenn commença à penser que ces deux-là avaient prévu ce petit jeu depuis longtemps. Tu vois bien que tu mets notre ami ici dans l’embarras.

-Il peut être dans l’embarras, il doit l’être. La Gestion de ces enchères respire l’incompétence.

Arya se leva et commença à marcher pour se poster devant le nobliau qui tremblait comme une feuille dans ses beaux atours. Elle alla se camper devant lui avec un sourire compatissant.

-Excusez le Lieutenant, monsieur… Farrouk, c’est ça ? Mais un évènement de l’ampleur des enchères de Shin City n’est pas une mince affaire, surtout sur le plan de la sécurité. Néanmoins nous comprenons parfaitement que vous puissiez avoir des difficultés à vous plier à nos… requêtes.

-Soyez certaine que je suis confus de ne pas pouvoir répondre à vos attentes, madame. Lui répondit l’intermédiaire qui commençait à retrouver son calme, à deux doigts de tomber dans le piège grossier qui lui avait été tendu. Mais je puis vous assurer que tout a été fait pour que la sécurité soit optimale, tous les chargements et employés ont été vérifiés et certifiés par les services princiers de Shin City, il n’est hélas pas en mon pouvoir de vous communiquer de si délicates informations.

-Nous comprenons, nous comprenons. Mais il retourne tout de même de notre mission de nous charger de la Sécurité du complexe, au moins partiellement. Je suis sûr que nous pouvons trouver un terrain d’entente. Par exemple… Pensez-vous qu’il serait possible que nous fassions un repérage des lieux avant le début des enchères ? Aujourd’hui, peut-être ?

-Ou… Oui ! Oui ! Je peux vous arranger ça ! Ne bougez-pas, je reviendrai vous chercher d’ici peu pour vous conduire au complexe, je vais arranger notre visite là-bas.

Le pauvre idiot qui venait de se faire rouler dans la farine sortit précipitamment de la salle, des étoiles plein les yeux à l’idée d’avoir réussi à refuser les demandes extravagantes des Marines et de pouvoir les contenter et les contrôler grâce à cette visite guidée des locaux.
Les deux gardes refermèrent derrière lui et les servantes qui avaient fini leur service, renvoyant les Marines à leur solitude dans leur cage dorée. Azrael était campé devant une des grandes fenêtres par lesquelles entrait le soleil chaud de Shin Island, il regardait la gigantesque ville qui se déroulait vers l’horizon avec un sourire satisfait sur le visage.




*****




Cloud sentit sa tête glisser vers le côté et ouvrit les yeux en sursaut. Il était assis contre un des murs du repère des Déshérités, ses genoux ramenés jusqu’à lui.
Il avait la gorge sèche et le dos endolori, il avait dû s’endormir comme ça au milieu de la nuit. Xander s’était mis à parler à voix basse avec celui qui était autrefois son lieutenant et Cloud s’était trouvé quelque peu désœuvré. Il avait un peu tourné en rond, mais il n’y avait là rien d’autre que de la gnôle et un cadavre répugnant. Cloud avait un peu examiné la nuque, elle avait été fracturée par une puissance abominable, il avait préféré ne pas pousser son observation sur le reste du corps.
Il avait probablement fini par s’asseoir dans un coin et s’assoupir.

Une fois passées les premières secondes d’hébétement, Cloud déplia ses jambes dans un petit bruit de craquement osseux, et fit jouer sa nuque de gauche à droite.
Quelques petites tapes avec ses mains le rassurèrent sur la présence de tous ses effets personnels, et il put reporter son attention sur son environnement au nouvel éclairage du jour qui filtrait par les interstices entre les murs porteurs et la charpente ainsi que par des meurtrières nombreuses.
La salle était un taudis, ni plus ni moins. Des rais de lumières traversaient le toit par endroit, et la pluie devait en faire autant – quoique Cloud doutât de l’existence-même de la pluie vu la chaleur qu’il régnait la veille – et le mobilier était au mieux vétuste, au pire un simple bricolage de bric-à-brac.
Xander était assis sur le trône. Tous les autres occupants de la pièce à part eux deux étaient vraisemblablement partis, et le Marine avait choisi de dormir assis sous cette bannière qu’il avait apparemment créée. Il était assis nonchalamment, les jambes étendues devant lui, et il appuyait sa tête sur son poing gauche, le coude reposant sur un des accoudoirs. La main droite, quant à elle, était placée sur le fourreau de sa rapière, jetée en travers de ses jambes.
Le cadavre, lui, s’était volatilisé.

Cloud se leva et s’approcha d’une table, à la recherche d’un liquide qui ne le plongerait pas dans un état de profonde ébriété.
Vin rance, alcool frelaté, et diverses autres bières tiédies par la chaleur matinale, Cloud grimaçât de dégoût et se détourna de ce buffet. Balayant de nouveau la salle du regard pour chercher d’autre mets. Il faillit sursauter lorsqu’il croisa le regard parfaitement ouvert et réveillé de Xander.
Le Marine était toujours dans la même position, mis à part que sa main droite avait imperceptiblement glissé vers la poignée de son arme et que ses yeux étaient ouverts et aux aguets, acérés. Cloud avait pourtant simplement fait quelques pas dans sur le sol dallé, et déplacé une ou deux coupes.

-Oh, pardon, je vous ai réveillé. S’excusa-t-il.

-Pas grave. J’avais assez dormi.

-Tous les autres sont partis dans la nuit ? Cloud désigna la salle vide autour d’eux.

-Non, la plupart dormaient un peu comme toi. Quelqu’un est venu chercher le chef à l’aube, il lui a murmuré quelque chose, il a réveillé les autres et ils sont tous partis.

-Il vous a dit ce qui se passait ?

-Non, il y a nos affaires, et il y a leurs affaires. Et tutoie-moi, on va passer beaucoup de temps ensemble. Viens, allons manger un bout.

Cloud opina du chef et emboîta le pas à Xander qui avait fait quelque pas dans la salle et jeté un œil sur le même buffet que la recrue avant lui avec une moue dédaigneuse. Il s’était dirigé vers la porte non sans jeter une des coupes remplies sur le sol.
L’ouverture de la porte les aveugla tous les deux quelques secondes. Les meurtrières de la pièce laissaient passer le jour, créant une atmosphère de pénombre parsemée de lumière, mais dans la rue, le soleil qui se levait lentement vers son zénith irradiait de puissance.
Un bruit de hennissement avertit Cloud que leurs chevaux n’avaient pas bougé, et il continua à marcher derrière la silhouette sombre de Xander qui se découpait en contrejour, en essayant de voir quelque chose entre ses paupières plissées.

Lorsque sa vue se fut acclimatée, il put constater que les rues désertes de la veille était plutôt fréquentées de jour, des gens allaient et venaient, vaquaient à leurs occupations sans jeter un regard vers les deux Marines et leur chevaux.
Assis à côté de ces-mêmes montures, le jeune Ilmar qu’ils avaient rencontré la veille patientait, il se leva quand Xander arriva à son niveau. Il semblait à la fois tendu et gêné. Gêné probablement à cause de son comportement de la veille envers Xander, la cause de sa nervosité demeurait à éclaircir.

-Bonjour ! Dit-il, presque au garde à vous devant Xander. Je ne me suis pas bien présenté hier, je suis Ilmar ! Dantès m’a demandé de vous servir de guide dans les faubourgs aujourd’hui.

-Merci à toi, Ilmar. Lui glissa gentiment Cloud, tandis que Xander grognait son approbation.

-T’as un cheval ? Demanda-t-il sèchement en montant sur le sien.

-Pas besoin. Répondit Ilmar avec un sourire, et il sauta dans les airs, prenant un appui sur le mur vertical pour se propulser jusqu’aux tuiles dépassant du toit, qu’il agrippa avant de se hisser avec facilité sur le toit. Sa tête réapparut avec un grand sourire. Il était d’après ses dires comme chez lui sur les toits de la ville, et il les guiderait depuis là-haut. Selon lui, un cheval ne pouvait le distancer dans ces dédales.
Cloud crut voir un sourire traverser une seconde le visage de Xander, mais il n’aurait pas parié sa main dessus.

Ilmar les guida toute la journée depuis les toits. Il voltigeait, aussi silencieux qu’un chat et gracile qu’un oiseau, et il leur faisait des signes de mains pour leur indiquer les meilleures voies vers là où ils voulaient se rendre.
Même ce 75° disque était en effervescence avec les pré-enchères. Les acheteurs déjà arrivés et qui ne pouvaient attendre jusqu’au véritable évènement quelque trois jours plus tard pouvaient arpenter tous les disques de la ville à la recherche d’un bibelot pour se satisfaire.
Des marchands d’armes fleurissaient d’un étal à l’autre, vendant des haches assez grosses pour décapiter des éléphants, ou encore des épées aux formes absolument terrifiantes. Des marchands de produits alimentaires étaient là aussi, des spécialités des quatre coins de South Blue. Tous les étals mobiles de l’océan avaient convergé jusqu’à Shin City pour y proposer leurs marchandises et leurs spécialités.
Cloud était stupéfait devant tant de nourritures exotiques, de saveurs inconnues. Les acheteurs eux-mêmes semblaient débarquer de tous les recoins du monde. Des tribus millénaires de Grand Line jusqu’aux âpres pirates des mers de l’Ouest, tous avaient pris la mer pour venir assister aux enchères ou y vendre leurs biens.

Étrangement, cependant, les locaux ne semblaient pas à la fête.
Cet événement était une ressource clé pour leur pays, ils le savaient pourtant, certains même le préparaient depuis des années, mais les visages étaient sombres, les yeux vides de tout sourire.
L’exaltation qui était présente chez tout un chacun fuyait les autochtones de Shin Island, pour une raison qui échappait à Cloud, et probablement même à Xander. Ilmar, lui, devait savoir quelque chose.
Quand il patientait patiemment sur les toits tandis que Xander et Cloud scrutaient les foules, Cloud pouvait voir son regard se durcir vers le vide et ses poings se serrer jusqu’à en blanchir les jointures.

Cloud fit faire demi-tour à son cheval, interrompant le tour d’une des places de marché sauvage du 78° disque que Xander et lui étaient en train de faire. Le Marine le regarda avec un haussement de sourcil étonné, mais ne l’arrêta pas, et au contraire lui emboîta le pas, se détournant lui aussi des vendeurs et des clients.
Cloud amena son cheval au pied du toit où se trouvait Ilmar, perdu dans ses pensées sombres, et le siffla. Le jeune Déshérité jeta un regard surpris au Marine qui mettait pied à terre et lui faisait signe de descendre lui aussi, il sauta directement depuis le toit et se réceptionna agilement.

-Qu’est-ce qui se passe, vous avez repéré les individus que vous recherchez ?

-Des individus suspects ? Il n’y a que ça. Mais pourquoi tu ne nous dirais pas toi ce qui se passe au juste avec les habitants de Shin City ?

-Les habitants sont à crans à cause des enlèvements de la nuit. Lâcha Ilmar d’un ton mauvais.

-Les enlèvements de la nuit ?

-Vous n’êtes pas au courant ? Je pensais que Dantès vous l’aurait dit. Dit Ilmar, visiblement surpris, en se tournant vers Xander. Des gardes de la ville ont parcouru les faubourgs du Cercle Populaire cette nuit, ils ont rassemblé des citoyens anesthésiés et les ont emmenés dans des chariots vers le Centre-Ville.

Cloud tourna un regard effaré vers Xander, qui lui-même semblait estomaqué par cette nouvelle. Le Marine sembla réfléchir quelques secondes et puis détermina.

-Il faut qu’on aille voir Dantès. Maintenant.

-Et le Lieutenant Winter ? On ne le met pas au courant.

-Si on le contacte maintenant, on perd notre couverture et notre enquête, en plus de le mettre en fâcheuse position auprès des Princes et du conglomérat de l’Enchère. Non, on va voir Dantès pour éclaircir ce merdier et on avise ensuite. Ilmar, tu sais où il serait s’il n’est pas dans la Tanière ?

Le jeune homme fit signe que oui de la tête et remonta immédiatement sur le toit, sans perdre une seconde. Cloud enfourcha sa monture et fit claquer les rênes, tachant de rester dans le sillage de Xander qui était déjà parti à bride abattue.
Ils traversèrent le disque à toute vitesse ainsi, guidés par Ilmar qui courrait sur les toits comme s’il avait eu le Gobe-Île aux trousses, jusqu’à arriver à une maison d’une taille raisonnable. Elle se tenait dans le 75° district, à peu de distances du mur. Un drapeau des éclairs rouges croisés flottait au sommet du toit, battu par le vent de la plaine désertique qui allait se briser sur la roche poussiéreuse.

À l’intérieur, Ilmar les introduisit sur un groupe un peu similaire à celui de la veille. Si Dantès fut surpris de voir Xander débarquer dans cette base qui n’existait de toute évidence pas à son époque, il n’en laissa rien paraître.
Sa mine était grave, et il parlait à voix basse avec deux autres hommes quand ils étaient entrés, il alla directement se porter jusqu’à Xander, et les deux hommes échangèrent quelques mots, Cloud se rapprocha.

-Pourquoi tu veux que ce soit, Xander ? Pour les vendre, pour les utiliser comme serviteurs, pour les tuer. Peu importe pourquoi ils ont été pris, le fait est là. Les raclures qui ont donné les ordres ne leur donneront pas plus de valeurs qu’à des animaux, quoiqu’il arrive.

-Peu m’importe les disparus, Dantès, mais tu dois le savoir, ils m’importaient déjà peu à l’époque où j’étais ici. Je peux voir ce que je peux faire pour les récupérer après la fin de ma mission, mais elle est prioritaire. Si tu as une information, j’en ai besoin.

-J’ai quelque chose, mais ça va pas te plaire.

Dantès les mena à travers la pièce et s’engagea dans un escalier en colimaçon qui descendait sous la terre. L’air était plus frais à mesure qu’ils s’enfonçaient, mais Cloud avait un mauvais pressentiment.
Après avoir traversé un couloir éclairé par des torches, sur les côtés duquel se trouvaient de lourdes portes en bois fermées à clé, Dantès leur fit signe de pénétrer dans une salle, et entra derrière eux.

-On l’a trouvé comme ça, un des groupes de gardes dû être attaqué, mais on sait pas par qui.

Au fond de la salle, un homme en uniforme de garde de la ville était enchaîné par un pied jusqu’au mur. La chaîne était épaisse, et l’homme n’avait de toute manière aucune chance de s’échapper, son bras droit était noué à une écharpe de soutien et ses doigts étaient enflés comme s’ils venaient d’être remis en place après un déboîtement. De même, le tissu de son uniforme était imprégné de sang à la jambe droite et elle était maintenue en position droite par des bouts de bois, sûrement dans l’espoir de guérir une fracture sévère, sans parler de ses multiples contusions au visage.
L’homme aux longs cheveux noirs laissa échapper un ricanement cynique, toussant du sang au passage, et murmura un seul mot.

-Xander…

-Tu le connais ? Souffla Cloud à son officier.

-Oui. C’est Silver Gladstone. Mon frère aîné.




*****




-Woah.

L’expression de Svenn résumait à peu près ce que tout le monde pensait. Ils venaient d’arriver sur les lieux des enchères, juste à l’entrée à vrai dire. « Entrée » était un mot qui n’avait aucune chance de représenter ce qu’était réellement ce gigantesque Hall vitré, au sol marbré et strié de fines lignes d’or qui formaient un construct visible uniquement depuis le cible, sans parler des hautes colonnes de pierre blanche qui soutenaient la voûte métallique.
Cet endroit avait dû coûter un montant obscène, mais l’argent n’avait pas entièrement été perdu, l’ouvrage était magnifique.
Salael Abn’Farouk rayonnait. Il avait probablement dû faire des pieds et des mains pour rendre ça possible, mais les expressions béate de Svenn et respectueuse d’Arya valaient bien ça. Quant au Lieutenant, il aurait été bien en peine de dire, tout caché qu’était son visage derrière ce casque.
L’hôte des marines se pavanait en leur montrant chaque détail de la magnificence de l‘ouvrage, sans oublier de mentionner l’auguste valeur de chaque chose qui la composait.

Si sa vanité était clairement de trop dans l’ensemble, Azrael devait admettre que tout cela était beau.
Il était perdu dans la contemplation de l’ensemble quand une voix légèrement chevrotante résonna dans le grand hall, se répercutant sur le verre et le marbre.

-Oh ! Mais… ? Ce ne serait pas…. Mais si, mais si ! Tu es le petit Salael, le fils du Chambellan Abn’Farrouk, je me trompe ?

Lorsque le jeune nobliau acquiesça, le petit vieux partit dans une forte exclamation de joie, disant à son accompagnateur, un certain Eli, qu’il avait gardé l’œil physionomiste malgré l’âge, et demandant à Salael des nouvelles de son père, qu’il avait semble-t-il bien connu au fil des Enchères consécutives.
Le jeune homme semblait de nouveau gêné, il tentait de se faire aussi petit que possible, aussi Azrael décida-t-il de rejoindre leur groupe pour voir de quoi il retournait, et qui mettait le pauvre Abn’Farouk dans de tels états. Un mastodonte de muscle à la peau foncée le regarda approcher sans ciller une seule fois, parfaitement calme mais en même temps aux aguets. Le Judge s’efforça de rester aussi naturel que possible, pour ne pas réagir à une telle aura animale.
Le petit vieux posa à son tour les yeux sur Azrael tandis qu’il arrivait, et le Lieutenant y vit une grande intelligence, ainsi qu’une étincelle de malice qui lui fit froid dans le dos.

-Oh là oh là… tu vois, Eli ? J’ai peut-être conservé une bonne vue, mais l’âge m’a fait perdre toute mes manières, voilà que j’accapare ce pauvre Salael sans jeter un regard à ses invités. Enchanté, jeune homme.

-Tout le plaisir est mien, monsieur…?

-Grimm, Alphonse Grimm. Pour vous servir. Je vois à votre uniforme que vous êtes un fier soldat de la Marine. Est-ce vous qui allez veiller sur nôtre sécurité ?

-Lieutenant Azrael Winter de MarineFord, monsieur Grimm. Et c’est exact, je suis justement venu faire une inspection des locaux pour me familiariser avec l’espace sous ma responsabilité.

Azrael avait vu Arya se figer une fraction de seconde à l’évocation du nom de son interlocuteur, ce devait donc être quelqu’un au moins d’important, peut-être même de dangereux. Il aurait pu deviner ça avec le seul charisme dégagé par l’homme, mais une confirmation n’est jamais de trop.
Le vieil homme semblait aussi enchanté de l’avoir croisé que lui d’être tombé sur un des invités dont les organisateurs voulaient l’éloigner.

-Une visite ? C’est excellent, ça, excellent. Oh ! Mais je sais ! Vous allez rester dîner avec nous, pas vrai mon petit Eli ? Je vous ferai une visite guidée moi-même ! Il y a des merveilles cette année, des merveilles.

Salael Abn’Farouk s'était figé comme une statue de sel en entendant la proposition, c’était exactement ce qu’il était chargé d’éviter, et tout son avenir partait en flamme sous ses yeux. Azrael ôta son casque et se fendit du sourire le plus courtois qu’il pouvait tout en répondant au guilleret petit vieil homme.

-Ce sera avec plaisir, monsieur Grimm.

À suivre
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Message par L'étrangleur Mar 3 Juin - 0:43





We Do Not Buy



Shin City.
Cercle Bourgeois.
49ème Disque.
Repère de la Guilde Sans Bannière.

Il faisait bon vivre dans le 49 ème disque. Bien que chaud et sec, l'air y était pur. L'atmosphère dégageait une certaine sérénité et insouciance qu'on ne trouvait pas dans les disques ou cercles supérieurs. Presque toutes les maisons possédaient leur propre jardin, un espace privé dans lequel cultiver de la verdure, même si faire pousser quoi que ce soit sur cette terre désertique relevait de l'exploit.

Nonchalamment affalé sur un transat, une pipe à la patte, Daegan Waters regardait jouer les enfants des voisins depuis l'arrière-cour de son pavillon. Il scruta le ciel et soupira quand il vit passer un Fou de Bassan solitaire. Cela faisait plus de six mois qu'il n'avait pas vu la mer, qu'il n'avait pas humé son air salé, qu'il n'avait pas été éclaboussé d’embruns. Même les horripilantes déjections des mouettes lui manquaient. L'appel de l'infini bleuté se faisait de plus en plus sentir quand s'approchait la fameuse date qu'il ne cessât de se répéter ces six derniers. "Dans deux jours, ce sera fini pensa-t-il."

Un duo d'hommes l'extirpa de ses pensées en le saluant, un genou à terre. Il leur consentit un regard, cela faisait longtemps qu'il n'avait pas vu leur tronche. Il y avait là le chauve et squelettique Aventin Livingstone son fidèle bras droit depuis une décennie, et un jeunot de blondinet qui d'après ses souvenirs avait intégré la guilde juste avant son départ pour Shin City. Ils avaient tous cet air enjolivé, ce teint clair et neuf de ceux qui avaient passé des bons moments au grand air. Il était évident qu'ils n'avaient pas passé le dernier semestre coincé sur terre par une chaleur de quarante degré au minima. L'œil de Daegan s'attarda sur le jeunot. Connaissant son bras droit, il devina que le blond devait avoir des compétences particulières qui justifiaient sa place à ses côtés. Néanmoins une chose le gênait et il allait mettre la main dessus.

- Daegan: Comment t'appelles-tu ? Dit-il en s'adressant au blondinet.
- Cyriel: Cyriel, Grand Guide. Il répondit avec une profonde révérence.
- Daegan: Beau nom. Tu es bien habillé. Veste à revers de soie, montre en platine, collier en diamant, lunette à monture d'or, tu as tout de l'attirail du parfait représentant d'une puissance de l'ombre. Tu te fondras mieux qu'un poisson dans l'eau dans la salle des enchères.
- Cyriel: Les compliments du Grand Guide m'honorent.
- Daegan: Mais dis-moi, où as-tu trouvé tous ces bijoux rutilants ? Les as-tu arrachés à une pucelle qui pleure encore dans les jupes de sa mère ? Les as-tu pris sur le cadavre d'un pirate que t'as saigné ? Les as-tu dérobés à une veuve tout en sachant qu'elle n'avait que ça pour subsister ?  
- Cyriel: Non, non, bégaya-t-il de terreur. Je les ai achet....

Il ne termina pas sa phrase. Daegan bondit de son transat en une fraction de seconde et de ses puissantes pattes empoignât le cou de Cyriel qu'il soulevât ensuite comme un vulgaire fétu de paille. Daegan rapprocha le blondinet de son visage félin et exhiba ses longues canines de la taille d'un doigt humain. Une seule chose pouvait le faire sortir de son calme et de sa patience proverbiale, c'était qu'on déroge à la règle première de sa guilde.

- Daegan: Qui sommes-nous ? Vociféra-t-il.
- Cyriel: La Guilde Sans Bannière.
- Daegan: Quelle est notre devise ? Aboya-t-il tout en affermissant son étau autour du cou du blond qui commença à suffoquer.
- Cyriel: We... Mais il ne put continuer, il manquait d'air. Aventin Livingstone qui était resté parfaitement immobile jusque-là vint à sa rescousse.
- Aventin: We Do Not Buy.
- Daegan: We Do Not Buy ! Nous n'achetons pas !  Nous prenons ! Confirma-t-il. Il lâcha Cyriel qui tomba en un petit tas informe. Que plus jamais je ne te revois avec ces parures !
- Cyriel: Plus... jamais... Grand... Guide... dit-il retrouvant sa respiration, ravi d'être sauf.

Il posa un regard larmoyant sur son boss qui se rassied en expulsant un long filin de fumée. Dans son cœur point de haine, juste le remord d'avoir énervé ce boss qu'il admirait tant. Il admirait sa puissante carrure, environ deux mètres et cent cinquante kilos de purs muscles. Il admirait sa fourrure noire brillante, l’impressionnante estafilade en croix qu'il arborait fièrement à l'épaule gauche, son regard animal, ses yeux d'un jaune intense, ses crocs, ses moustaches blanches, ses énormes griffes, sa queue frôlant le mètre (xD). Cyriel n'avait d'yeux que pour son boss Homme-Chat et espérait un jour dégager la même présence que lui.

- Daegan: Les nouvelles ? Demanda-t-il comme si rien ne s'était passé.
- Aventin: J'ai passé en revue tout notre dispositif et je suis ravi de vous annoncer que le système est parfaitement huilé. Tout est fin prêt pour le Jour-J.
- Daegan: D'éventuels gêneurs ?  
- Aventin: Un pion m'a informé qu'il avait reconnu le Lieutenant Azrael Winter et une de ses subordonnées dans la salle des enchères. Le comité d'organisation a fait appel à eux pour assurer la sécurité des enchères.
- Daegan: L'Unité Justice hein. Il n'y a pas à s'inquiéter, elle sera dos au mur comme l'ont été tous nos détracteurs, très bientôt.
Concernant les lots ?
- Aventin: En achetant le passe-droit j'ai eu accès à la liste définitive des lots, que voici. Il tendit la liste à son boss. Celle que nous avait envoyé notre pion au comité d'organisation était incomplète.
- Daegan: Très incomplète même. Des lots de valeur s'y sont ajoutés. Le Crane de Cristal, la Goutte du Mort Vivant et bien d'autres. Cela ne change rien au plan initial, il y a aura juste plus à charger c'est tout.  
- Aventin: Oui mon Guide. Après demain, toutes les richesses de la plus grande des enchères seront notre. Seront votre.
- Daegan: We Will Not Pay.

*****
Cercle Nobiliaire.
10 ème Disque.
Salle des Enchères.
Azrael, Arya, Svenn.  

Arya et Svenn suivirent Azrael qui lui-même était sur les talons d'Alphonse Grimm. Le folâtre vieil homme les conduisit sous le regard interdit de Salael Abn’Farouk à travers un couloir tout aussi richement décoré que le Hall qui desservait deux grandes portes noires aux poignets d'or. Alphonse s'engouffra dans celle de gauche, l'Unité Justice à sa suite. La porte donnait sur un escalier en colimaçon qui apparemment s'enfonçait dans les entrailles du 10ème disque. L'éclairage y était volontairement faible histoire d'accentuer le sentiment d'oppression qui se dégageait naturellement des lieux. Indifférent à tous ceci, Alphonse Grimm, les mains croisées dans le dos, sautillait de marche en marche en fredonnant un air de West Blue depuis longtemps oublié.

Arya avait de suite tilté à l'annonce de son nom. Alphonse Grimm, Alias "Boum" le célèbre Contrebandier primé à 53 millions de Berry. Le voir ici avait été un choc de première minute, mais au fond c'était une chose des plus normales. Leur mission était d'assurer la sécurité des lieux, surement pas de partir à la chasse aux fournisseurs des enchères mais cela n'empêcha pas Le Septième Voile de grincer des dents face à cette situation qui pouvait être qualifiée de "coopération avec l'ennemi".

Quand l'escalier en colimaçon s'arrêta enfin, ils eurent l'impression d'être à une cinquantaine de mètres sous Shin City. L'endroit était plus austère et bien plus vaste que le Hall. Les murs en pierre brute avaient été grossièrement taillés et peints d'une sobre couleur grise. Une série de colonnes soutenaient le plafond là aussi grossièrement sculpté. De chaque côté de ce hall souterrain, s'alignaient une trentaine de portes métalliques qui donnaient la directe impression d'être en présence de geôles.  

- Alphonse: Venez, par ici, leur dit-il en se dirigeant vers la première porte à gauche. Il toqua trois fois et un garde armé lui ouvrit de l'intérieur.
- Svenn: Whoua, ça c'est un cercueil, dit-il étonné par l'élégance du sarcophage en bois vernis d'ambre et veiné de fil d'or.
- Alphonse: Vous voyez ? A l'intérieur repose Mineptah IV, l'un des plus grands empereurs qu'ait connu l'empire de Saqqarah de Grand Line.

Azrael balaya la chambre d'un regard circulaire. C'était surement une ancienne cellule aménagée pour accueillir ces artefacts et il devait en être de même pour toutes les autres. A peine 15 mètre carrés, la cellule ne comportait qu'une grande table qui servait de socle au sarcophage, une chaise qui devait servir de repose-fesse au garde armé, et dans le coin supérieur gauche un mini escaméra qui se confondait parfaitement avec le gris des murs.
Le Judge confirma son analyse quand la seconde cellule leur fut ouverte. A l'intérieur, les mêmes meubles, le même escaméra, presque le même garde aux allures de chiens de chasse. La seule différence était ce que renfermait la cellule. Pas de cercueil cette fois ci, mais un objet emballé dans du papier kraft. Un minuscule reflet métallique sur une partie à découvert leur indiqua qu'il s'agissait d'une ...

- Alphonse: Épée. J'en ai vue de belles dans ma carrière mais celle-là, elle est unique. Elle a été apportée par un autre fournisseur, un jeunot qui s'est lancé dans le métier. Il espère, avec raison, en tirer un très gros prix, de quoi prendre une retraite au soleil. De désapprobation, Boum secoua du chef. Ces jeunes d'aujourd'hui, aucune persévérance, aucune ambition.

La visite continua de cellule en cellule pendant une demi-heure, chaque stop auréolé de sa dose de commentaire de leur guide de luxe. "C'est La Goutte Du Mort Vivant, disait-il en indexant le liquide incolore que contenait une petite fiole dans une des cellules, le plus puissant et le plus rarissime somnifère au monde. Une seule goutte et vous dormirez pour l'éternité." "Cette main d'argent appartenait à la grande pirate Rowena Serdétain, expliqua-t-il à Svenn qui siffla d'admiration face à l'étincelante main coupée qui trônait dans une cellule."

Le Nordique se fascinait à chaque porte d'ouverte, Azrael continua son analyse des lieux, essayant de repérer une faille dans la sécurité. Il n'en vit aucune pour l'instant, les escaméras étaient partout, certains tellement bien planqués que seul le hasard permettait de les repérer. Les gardes dans les cellules s'enfermaient à triple tour derrière d'épaisses portes en fer probablement impossible à défoncer de l'extérieur à moins de se servir d'explosif. Perdu dans ses pensées le Judge se demandait où pouvait bien se trouver la salle des machines d'où on visualisait les images des escaméras quand il rentra presque dans Alphonse qui s'était figé net.

- Alphonse: Voilà, dit-il devant ce qui devait être la quarantième cellule, nous avons fini la visite des lots.
- Svenn: Ah bon ? Il y a encore des cellules devant, fit-t-il remarquer en indexant une suite de portes qui étaient trois à quatre fois plus grande que celles qu'ils avaient vu jusque-là.
- Alphonse: Ces lots-là sont... Sa voix se perdit en un murmure et tous eurent une chair de poule collective. Même s'il n'avait pas élevé le ton, il semblait maîtriser une colère et un dégoût naissant. De sa voix émergeait un profond écœurement pour ce que contenait ces cellules. Allons, montons, il y a autre chose à voir, et surtout à manger. N'est-ce pas mon petit Eli. Que nous as-tu concoctés aujourd'hui ?
- Eli: Des nids d'hirondelle Monsieur.
- Alphonse: J'adore. C'est une spécialité de ma West Blue natale. Me ferez-vous l'honneur de partager ce déjeuner avec moi Adjudante? Demanda-t-il en tendant une main à Arya. Vous me raconterez vos meilleurs aventures.
- Arya: Avec plaisir, répondit-elle un peu prise de cour en jetant un regard de biais à Azrael qui était resté figé tourné vers les cellules interdites.
- Alphonse: Et vous Lieutenant Winter?
- Azrael: Merci Monsieur Grimm, mais je vais continuer tout seul la visite si cela ne vous ennuie pas. Mes subordonnés vous tiendront compagnie. Je n'aurais pas la conscience tranquille à moins de m'être assuré qu'aucune faille ne subsiste. Je vous rattraperai bien assez tôt.

Le vieil homme le jaugea d'un regard anormalement pénétrant que le Judge soutint. Un sourire éphémère éclaircit le visage de Boum une seconde puis disparut. Il fit signe aux autres de le suivre laissant Azrael à sa solitude dans ce vaste hall souterrain.

- Azrael: Bien. Voyons ce que recèlent ces cellules.

*****
Cercle Nobiliaire.
10ème Disque.
Babylone. Death.


Ils étaient attablés sur le balcon de la chambre qui avait été allouée à Babylone. Contrairement à Moonlight et Bérénice qui avaient dû retourner dormir sur L'Hérétique, courbaturées de partout, suite à leur recherche infructueuse de la veille, Babylone et Death semblaient être au meilleur de leur forme. Ayant rejoint le Cercle Nobiliaire par la Cielo Roggia, une voie aérienne qu'empruntaient les montgolfières-taxi stationnées à quelques encablures du port, les deux Knights avaient de suite rejoint leur chambre de haut standing et s'étaient écroulées de sommeil, l'esprit libre de toute préoccupation.

Il faisait grand jour à présent, et le sujet de la recherche revint sur la table durant le petit déjeuner copieux qui leur avait été servi.

- Babylone: Si elles n'ont encore trouvé personne qui ait vu de Longues-Jambes comme lui, c'est rassurant non ? Il a peut être payé le passe-droit ?
- Death: Non il n'a rien payé de tel, tous ceux qui participeront aux enchères en tant que client seront logés dans cet hôtel. Je n'arrivais pas à dormir hier, je suis descendu à la réception consulter les noms des clients et il n'y a avait aucun Elijah et personne n'a vu de Longue-Jambes.
- Babylone: J'espère juste qu'il n'est pas encore arrivé et qu'il ne va pas faire de connerie.
- Death: Qu'est-ce que tu crains tellement de toute manière ? Le bordel on sait le gérer.
- Babylone: Moi aussi, je nettoyais toujours derrière Bel'. N'empêches que je n'ai aucune envie de voir des envoyés de Yonkou ou d'autres puissances de l'ombre à nos fesses alors qu'on n'a jamais vu Red Line ! Il y a assez de gens qui veulent nous buter comme ça. Un peu de bon sens ne vous ferait pas de mal dans cet équipage.
- Death: Tu n'as jamais vu Red Line, ne nous met pas dans le même bateau et d'ailleurs ... Silence !
- Babylone: Euh c'est toi qui parlait Dea...
- Death: Tais toi ! Je suis depuis quarante-cinq minutes les conversations dans la salle des enchères. Y a une partie qui risque de t'intéresser...

Le pouvoir du fruit de l’espion permettait à Death d'entendre tout bruit, toute parole dans un rayon de deux kilomètres autour de lui. Il pouvait tous les analyser en même temps, ou cibler une zone bien précise et l'isoler du reste. Il pouvait aussi se mettre dans un mode "Scan" pour rechercher une voix ou même un battement de cœur qu'il aurait déjà entendue ou parfois un mot en particulier. Depuis leur arrivée la veille, Babylone lui avait demandé de se mettre en ce mode à la recherche d'un seul mot : Sang.
Il avait déjà entendu trois fois ce mot depuis lors mais dans des contextes tout à fait bénin. La Tueuse de Monde lui avait juste donné comme consigne de lui rapporter tout ce qui se dirait d'étrange à la suite de ce mot. Et à coup sûr, la conversation qu'il venait d'entendre était bizarre.

" - Ils ont tous été drogués pour les rendre dociles jusqu'aux enchères. Pourquoi es-tu lucide ?
- Qui sait ? L'esclavage ou comment le gouvernement protège les citoyens mais pas trop, n'est-ce pas Lieutenant Winter? Ou ce n'est pas vous que l'autre vieillard a appelé ainsi ? Je ne pouvais pas bien voir depuis cette cellule.
- Ne reste plus qu'à te présenter à ton tour puisque tu connais déjà mon nom.
- Le mien varie selon les personnes qui le prononcent. Pour l'instant, je suis juste un esclave en devenir à la recherche d'un breuvage.
- Breuvage ?
- Vous êtes un Ange et je sais à quel point l'essence de votre race est exquise. Accepteriez-vous me donner quelques millilitres de votre sang ? Je suis assoiffé. "
 


- Death: Babylone, je crois que je viens de retrouver ton Élijah.

L'étrangleur
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The Zodiac Killer
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