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Message par Unholyscream Sam 9 Aoû - 16:51

Alors que le soleil déclinait, un groupe de marine lourdement armés escortait l'Ange de la Douleur jusqu'à l'échafaud. De là, le pirate surplombait la foule d'un bon mètre. Il constata avec amusement que les spectateurs étaient très nombreux. Ils venaient voir un monstre mourir. Une dizaine de soldats le tenaient en joue, à distance respectable, et son bourreau tenait une formidable hache sur ses épaules. Après une grande inspiration, Dameon Kaliban lança :

- "J'ai eu un rêve. Dans ce rêve je vivais dans un monde violent et dur. Un monde où les faibles triment pour les forts, un monde où les faibles meurent sous les coups des forts. Toute ma vie j'ai placé la loi de la nature, en tant que seule et unique règle ! Ce rêve je l'ai sans cesse poursuivi. Un rêve ignoble, n'est-ce pas ? Après tout je n'ai pas usurpé ma réputation de criminel violent, sadique et cruel. Mais si je me trouve ici, sur l'échafaud, ce n'est pas parce que j'ai renoncé, non. Aujourd'hui je meurs car chaque jour qui passe voit une créature prendre ma place. Oui je suis un monstre, oui j'aime ça ! Mais petit à petit, je cesse d'être moi-même. Le pouvoir qui est mien me rend fou, m'empêche d'être lucide. Ecoutez moi, vous tous. Innocents avides de mon sang ! Aujourd'hui je vous donne une leçon : on ne peut pas vivre sans être soi-même. Nous ne pouvons pas vivre en reniant ce que nous sommes au plus profond de nous. Je suis devenu une bête sauvage, loin du tueur froid et intelligent que je fus. Ma première liberté, celle de gouverner ma vie m'est retirée, alors je meurs ce soir."

Dameon effectuai une pause dans son monologue, alors que la population de l'île le fixait en silence. Peut-être étaient-ils surpris. Le pirate repensa au jour où il avait annoncé à ses amis qu'il brisait l'équipage. Il n'avait alors rencontré que colère, incompréhension et déception. Lorsqu'il leur expliqua qu'il était en train de devenir un danger pour eux, qu'il risquait à tout moment de les tuer dans un crise de folie, Pandore pleura. Puis rapidement, tous les pirates de l'Ange de la Douleur se laissèrent aller à une profonde tristesse, une amère douleur. Ils détestaient la décision de leur capitaine et ami, mais la comprenaient. Et tous savaient qu'il ne leur laissait pas le choix. Surprenant tout le monde, c'est Pandore qui partit la première... Puis Meridia, puis Nel. Rashek et lui passèrent de longs moments à contempler le silence avant que l'immortel ne le quitte finalement, en le remerciant. Et enfin, Malphas accepta de quitter l'épaule de son maître. Ce souvenir terrible fit couler une grosse larme sur la joue de l'ange meurtrier. Une perle qui roula sur sa joue avant de s'écraser sur le billot. Le capitaine pirate posa sa tête dessus. Il sentit la hache se lever au dessus de sa nuque, mais, soudain, une ombre passa devant le soleil couchant. Un marine hurla ses hommes de se préparer à tirer mais la voix du criminel fut plus forte :
- Non ! Ne tirez, pas il est venu pour mourir...

Avec un grand battement d'aile, Malphas porta son corps noir comme la nuit jusqu'à l'échafaud. Alors il se posa sur le dos courbé de son ami, replia ses ailes puis posa son petit cou sur celui de Dameon. Ce dernier n'essaya même pas de dissuader le corbeau. Il voulut le caresser une dernière fois mais il ne parvint pas à soulever ses bras entravés par de lourdes menottes. Alors il éclata en sanglot, hurla et pleura :

- "Ce soir je pleure, mais ce n'est pas à cause de la peur. Ce soir je pleure car je sais que plus jamais je ne reverrais les êtres qui me sont chers. Un grand homme, un ami, m'a dit que les forts devaient protéger les faibles des gens comme moi. Que c'était cela la justice. Ce soir je meurs pour protéger ceux que j'aime... Je vous ai interdit de venir mais je sais très bien que vous êtes là. Pandore, Meridia, Rashek, Nel et même toi Riku, vous allez nous manquer. Malphas et moi nous en allons, mais, ne nous oubliez pas... J'ai toujours dit que je ne pourrais vivre sans vous, et aujourd'hui je vous demande de vivre sans moi. Égoïste jusque dans la tombe hein. Mon plus grand regret est de savoir que je ne verrais jamais le visage de mon enfant... Merci d'avoir été à mes côtés. Adieu."

L'Ange de la Douleur ferma alors les yeux, pour la dernière fois de sa vie. Lorsqu'il rendit son dernier souffle, l'île était étrangement calme. Le peuple aurait du sauter de joie, mais il demeurait immobile interdit. Une légende sanglante prenait fin ce soir.

La main posée sur son ventre qui s'arrondissait très légèrement, Pandore contemplait la scène les yeux emplis de larmes. Elle était silencieuse, son coeur saignait atrocement. Elle avait l'impression de perdre une partie d'elle même... Encadré de larmes brûlante, un très léger sourire apparut sur son visage. Au moins il lui avait laissé un cadeau avant de partir... La jeune femme se laissa alors entraîner par Azura, plus respectueuse que jamais. La femme du désert avait les joues sèches mais elle se sentait terriblement vide. Si Malphas allait lui manquer, l'absence de Dameon serait bien plus terrible. Les deux pirates, toutes deux vêtues de noir traversèrent la foule et quittèrent l'île le coeur lourd. Les larmes silencieuses de Pandore ne semblaient pas connaître de fin. Mais elle allait devoir être forte, plus encore qu'avant.

Peu de temps après le départ des deux femmes, une détonation retentit au coeur de la foule. Un feu d'artifice éclata haut dans le ciel, désormais nocturne. Un crâne et deux tibias croisés derrière apparurent, dessinant sur la voûte céleste le noir pavillon des pirates. Puis une série d'explosion se fit entendre et Nel quitta le lieu de l'exécution en virevoltant dans les airs grâce à ses bombes. Cette fois elle ne riait pas, ne s'amusait pas... L'anarchiste était elle aussi en deuil.

Au sommet de la colline surplombant l'échafaud, une grande silhouette se tenait immobile. Une lance transperçait sa poitrine de part en part. Il souffrait mais cette blessure n'en était pas la cause. De ses deux mains il avait saisi le long pieu de fer, prêt à le retirer. Finalement il le lâcha et s'en alla, seul. Dameon Kaliban avait tenu sa parole, il l'avait aidé à faire son choix. Son sacrifice ne pouvait pas être vain, Rashek devait continuer à vivre. Et même si cela devait durer l'éternité. Toujours aussi solitaire, l'immortel prit la direction d'un pic rocheux s'élevant par dessus d'eaux tumultueuses. Il n'y avait pas de vie là-bas, personne pour le déranger. A main nues il gravit la montagne et se percha à son sommet, assis en tailleur. Et depuis lors il médite en silence. Les rumeurs racontent qu'un homme seul au coeur empalé guide les aventuriers qui se sont perdus en eux-même à retrouver le chemin de leur véritable identité, leur dieu intérieur. Certains diront qu'il quitta le monde des vivants pour rejoindre le divin, mais que toujours il guide les humains.

L'Angel's Lament ne quitta le port de Zelion que le lendemain, alors que l'aube se levait. Nocturne était parvenu à infiltrer la base marine et avait réussi à dérober le cadavre de son capitaine et celui de son plus fidèle compagnon. De mauvaises langues diront qu'elle reçut l'aide d'un marine gradé mais aucune preuve de cela n'a été rapporté. Après s'être une dernière fois recueilli sur les corps de Dameon et de Malphas, Pandore les déposa dans une petite barque, qu'elle remplit de paille imbibée d'huile. Elle avait séché ses larmes. Après tout, elle savait qu'il aurait voulu qu'elle continue à sourire. Et surtout qu'elle continue à se battre pour vivre ! Car désormais elle avait un coeur de plus qui battait en son sein. Un sourire timide étirant les lèvres, elle trancha le cordage qui retenait la barque et jeta une torche dedans, geste imité par Meridia. La petite embarcation s'embrasa aussitôt et vogua doucement en direction de l'horizon. Une dernière larme perla au coin de l'oeil de l'ange et elle souhaita bon voyage à l'âme du plus formidable homme qu'elle ait connu ainsi qu'à celle du plus fidèle corbeau que le monde ait porté. La toute nouvelle capitaine prit une profonde inspiration puis lança :
- "Prochaine escale, Barbariga ! Nous avons besoin d'hommes supplémentaires pour faire avancer ce beau navire ! Jamais l'Angel's Lament ne cessera d'écumer les mers !"



Fin.
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